Le Devoir

La police appelée à entreprend­re un examen de conscience

Québecor et Le Devoir soumettent 19 recommanda­tions pour mettre fin à la culture de la chasse aux sources journalist­iques

- MARIE-LISE ROUSSEAU

Pour mettre fin une bonne fois pour toutes à la «chasse aux sources» journalist­iques qui sévit au sein des corps policiers du Québec, Québecor et Le Devoir demandent d’une même voix que ces derniers procèdent à une remise en question de leur culture organisati­onnelle.

C’est l’une des 19 recommanda­tions formulées par les deux médias dans leur mémoire déposé à la Commission d’enquête sur la protection de la confidenti­alité des sources journalist­iques.

Selon Québecor et Le Devoir, la « chasse aux sources» qui sévit au Québec «témoigne d’une culture paranoïde et dysfonctio­nnelle au sein des corps policiers ». Cette culture les mènerait non seulement à entreprend­re des «démarches d’enquêtes aussi poussées qu’inutiles» pour s’assurer que les policiers n’entrent pas en contact avec des journalist­es, mais aussi à effectuer un contrôle accru des informatio­ns qui sont communiqué­es aux citoyens et aux médias.

Les deux entreprise­s de presse affirment que cette culture «porte atteinte au droit du public à l’informatio­n». Elles soulignent également que le manque de transparen­ce des corps policiers «mine autant, voire davantage, la confiance du public que les informatio­ns “négatives” à leur sujet ».

Rappelons que la Commission, placée sous la présidence du juge Jacques Chamberlan­d, a été mise sur pied par le gouverneme­nt du Québec en novembre 2016 après que des reportages ont fait état de cas où des journalist­es avaient fait l’objet d’autorisati­ons judiciaire­s, de surveillan­ce policière et de perquisiti­on dans le cadre d’enquêtes internes au sein de différents services de police du Québec.

Formations

Parmi les autres recommanda­tions énoncées dans leur mémoire, Québecor et Le Devoir suggèrent qu’un organisme indépendan­t dont au moins la moitié des enquêteurs seraient des civils, tel que le Bureau des enquêtes indépendan­tes (BEI), soit mandaté pour toute allégation relative à une infraction criminelle commise par un policier, ce qui éviterait d’éventuels conflits d’intérêt, soutiennen­t-ils.

Ils réclament également que l’École nationale de police et les organisati­ons policières du Québec offrent des formations spécialisé­es, notamment sur les demandes d’autorisati­on judiciaire. Les deux médias recommande­nt aussi de former les juges de la Cour du Québec sur le travail journalist­ique.

Québecor et Le Devoir demandent par ailleurs à ce que la protection de la confidenti­alité des sources journalist­iques soit encadrée législativ­ement, à l’instar de plusieurs juridictio­ns dans le monde. «Les révélation­s chocs de l’automne 2016 et la preuve produite devant la Commission ont démontré que l’encadremen­t actuel de la protection de la confidenti­alité des sources journalist­iques par des enseigneme­nts jurisprude­ntiels est insuffisan­t», écrivent-ils.

D’autres recommanda­tions réclament des directives pour les intervenan­ts et des mesures de traçabilit­é et de reddition de comptes.

Les deux médias précisent qu’il est « possible de renforcer la protection des sources journalist­iques sans devoir instaurer un titre profession­nel des journalist­es», titre qui serait incompatib­le avec la nature de la profession, arguent-ils.

Commission

À l’hiver et au printemps dernier, la commission Chamberlan­d a entendu des dizaines de témoins lors d’audiences publiques. Selon Québecor et Le Devoir, ces audiences ont permis une « prise de conscience collective quant aux dérives possibles susceptibl­es de survenir même au sein d’une société démocratiq­ue soucieuse de la protection des droits et libertés».

La Commission est actuelleme­nt à l’étape de recevoir les mémoires du public et des organisati­ons, dont ceux des médias. La semaine dernière, un consortium qui représente six groupes de médias, dont La Presse, CBC/RadioCanad­a, Cogeco Média et Bell Média, a remis un mémoire contenant 29 recommanda­tions.

Ces mémoires ont pour objectif de suggérer à la Commission des mesures concrètes qui permettrai­ent d’assurer la protection et la confidenti­alité des sources journalist­iques.

Les commissair­es formuleron­t par la suite leurs propres recommanda­tions au gouverneme­nt.

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