Le Devoir

Le charme discret des ruelles montréalai­ses

Les lieux de perdition d’autrefois deviennent des endroits rassembleu­rs pour petits et grands

- MARCO FORTIER

On dirait un terrain de jeu. Ou un paisible jardin de campagne. On se trouve pourtant en pleine ville, dans un des quartiers les plus densément peuplés de Montréal.

La ruelle William-Bennett, dans l’arrondisse­ment Mercier-Hochelaga-Maisonneuv­e, est un petit coin de paradis. C’est tranquille. Les oiseaux chantent. Ça sent bon. Nous sommes dans une des quelque 464 ruelles vertes de Montréal — pour la plupart fermées à la circulatio­n, tapissées de pelouse, de fleurs, d’arbres fruitiers, de bancs de parc et de jouets pour enfants.

Elles traînaient une bien mauvaise réputation, les ruelles de Montréal, mais ça change. Tranquille­ment. Ces endroits autrefois lugubres deviennent des lieux enchanteur­s. Les gens s’approprien­t les ruelles, les peuplent, les habitent, les transforme­nt.

«Les ruelles vertes contribuen­t à une espèce de réenchante­ment dans la ville. C’est le domaine des familles. Ici, les adultes retrouvent leur coeur d’enfant », dit Pierre-Étienne Lessard, un Montréalai­s amoureux de sa ville qui vient de réaliser huit capsules vidéo célébrant les ruelles vertes.

Ces vidéos (regroupées sous le thème Vue de ruelle) seront projetées en plein air au cours de la fin de semaine dans le cadre des Journées des ruelles vertes. Des projection­s multimédia­s, qui montrent aussi des images d’archives, prendront place lors de ces soirées financées notamment par les fêtes du 375e anniversai­re de Montréal.

«Ce qui est beau avec les ruelles vertes, c’est qu’elles viennent des citoyens, dit PierreÉtie­nne Lessard. Les gens se prennent en main. On est des héritiers de la social-démocratie: on a encore le réflexe d’attendre après le gouverneme­nt quand on veut quelque chose. Cette fois, la balle est dans la cour des citoyens, c’est le cas de le dire!»

« » Ce qui est beau avec les ruelles vertes, c’est qu’elles viennent des citoyens Pierre-Étienne Lessard

Les temps changent

L’enthousias­me des Montréalai­s pour leurs ruelles est tout récent. En menant des recherches pour ses capsules vidéo, Pierre-Étienne Lessard et son équipe ont déniché une note de service du comité exécutif de la Ville de Montréal, datée du 2 février 1962, qui décrivait les ruelles en des termes épouvantab­les. Les responsabl­es de la toponymie proposaien­t d’éliminer le mot « ruelle » du vocabulair­e de la Ville, parce qu’il était jugé trop péjoratif :

« […] on a immédiatem­ent l’idée d’une voie de service sombre et nauséabond­e, au sous-sol sillonné de tunnels de rats, étranglée dans un corset de derrières de maisons, de hangars délabrés et de clôtures de bois pourri, pavée de débris de toutes sortes, zigzaguée de cordes d’où pend du linge dégoûtant, restaurant des chiens errants qui se régalent avant l’arrivée des vidangeurs, scène de chorales de chats de gouttières qui exécutent des sérénades ou des nocturnes larmoyante­s et lugubres, poste de guet ou refuge des voleurs, escale des ivrognes et lieux d’aisance des noctambule­s. »

«Il va sans dire que les résidants de ces voies, nommées ruelles — souvent plus longues et pas plus étroites que certaines de nos rues ou avenues — sont humiliés de donner comme adresse une ruelle, surtout les jeunes à l’âge des fréquentat­ions. C’est assez pour que ces

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Pierre-Étienne Lessard a réalisé huit capsules vidéo, regroupées sous le nom Vue de ruelle, qui font l’éloge des ruelles montréalai­ses.

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