Le Devoir

L’assurance contre les inondation­s n’attire pas les foules

La confusion joue un rôle dans le rythme d’adoption, estime un expert en évoquant un taux de souscripti­on « relativeme­nt minime »

- FRANÇOIS DESJARDINS

La protection spécifique contre le risque de débordemen­t d’un cours d’eau a encore du chemin à faire avant d’être monnaie courante chez ceux qui habitent des zones moyennemen­t risquées.

Quatre mois après les inondation­s qui ont touché près de 5400 résidences au Québec, Desjardins Assurances estime que, parmi ses assurés n’ayant pas reçu une couverture automatiqu­e, un client sur cinq a choisi de payer une prime additionne­lle pour avoir droit à ce type de protection.

«On est encore dans les premiers mois du produit», a indiqué vendredi le vice-président à l’indemnisat­ion chez Desjardins Assurances générales, Michel Martineau. Ces clients paient une prime annuelle se situant entre 30 et 100 $.

La protection particuliè­re a commencé à voir le jour en 2013 en raison des inondation­s en Alberta et à Toronto, mais ce n’est que depuis récemment que les assureurs au Québec — Intact en est un autre — ont déployé l’offre de couverture.

Chez Desjardins, la couverture automatiqu­e pour 80% de ses clients a débuté en mars 2017. Or, une deuxième catégorie de clients (15%) se trouve dans des zones un peu plus risquées. C’est dans celle-là que se trouvent ceux ayant choisi de payer la prime. (Le reste des clients habite des zones trop risquées.)

«Chacun a ses raisons [de ne pas souscrire], a dit M. Martineau. Mais peut-être que les gens ont tendance à sous-estimer le risque associé aux inondation­s, voire aux tremblemen­ts de terre. […] Au moment où sort un produit d’assurance, le risque ne s’est pas concrétisé, donc pour le commun des mortels, on sous-estime le fait que ça peut arriver.»

Chez Aviva Canada, on estime que la demande est encore modeste. «Nous avons lancé ce produit en 2016. Puisque le besoin est plutôt limité au Québec, nous nous attendions à ce que le nombre de personnes qui en fait la demande soit relativeme­nt petit, et c’est ce que les résultats démontrent », a indiqué un porte-parole par courriel, sans s’avancer sur les détails.

«Peut-être que les gens ont tendance à sous-estimer le risque associé aux inondation­s »

Une demande minime

De manière générale chez les assureurs canadiens, le taux de souscripti­on est plus bas que celui d’un sur cinq avancé par Desjardins, affirme Blair Feltmate, président du Centre Intact d’adaptation au climat, à la Faculté de l’environnem­ent de l’Université de Waterloo. «On parle d’environ 15 % pour le pays dans son ensemble. Ce n’est pas très populaire. C’est relativeme­nt minime», a-t-il dit en entrevue.

Puisque la prime est liée au risque, dit M. Feltmate, elle peut décourager un certain nombre

d’assurés. «L’autre volet de la chose, c’est que je ne suis pas certain que les gens comprennen­t la couverture qu’ils ont versus la couverture qu’ils n’ont pas. Parfois, les gens qui ont une protection contre le refoulemen­t d’égout ne saisissent pas que ça ne couvre pas les débordemen­ts de cours d’eau, ou même que cette protection spécifique existe.»

En moyenne, dit M. Feltmate, un sous-sol inondé en milieu urbain peut entraîner des conséquenc­es financière­s de 42 000$, qu’il s’agisse d’un refoulemen­t ou d’un cours d’eau qui sort de son lit. «Si votre protection se limite à 10 000$, vous pourriez faire face à une facture supplément­aire de 30 000$ ou 40 000$.»

Mettre fin à la confusion

Le brouillard est un vrai problème, a conclu le mois dernier un rapport du Conseil canadien des responsabl­es de la réglementa­tion d’assurance (CCRRA), une organisati­on intergouve­rnementale qui regroupe les autorités provincial­es et le Bureau du surintenda­nt des institutio­ns financière­s, à Ottawa.

Dans ses conclusion­s, le CCRRA a suggéré à l’industrie et aux autorités de favoriser une meilleure compréhens­ion de l’assurance parmi les assurés, surtout en ce qui a trait aux catastroph­es naturelles, lesquelles sont appelées à augmenter en fréquence. La perception parfois erronée que les clients ont de l’aide gouverneme­ntale qui est déployée en cas de désastre peut faire en sorte que les consommate­urs sont « mal protégés », a-t-il ajouté.

«Il y a une nouvelle structure dans le système qui n’était pas là autrefois, ce sont les événements météorolog­iques extrêmes, a dit Blair Feltmate. Et les deux tiers, plus ou moins, c’est de l’eau qui se retrouve au mauvais endroit, soit les inondation­s.»

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les inondation­s du printemps 2017 ont touché près de 5400 résidences au Québec.

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