Ichka, le parcours musical d’un peuple
Àl’aide d’archives et d’enregistrements de toutes sortes, Ichka est ce groupe montréalais qui retrace le parcours musical des juifs ashkénazes, de l’Europe à New York. Ses membres, on les a connus comme d’excellents ambianceurs, mais ils peuvent maintenant calmer le jeu. Ils sont tous associés de près ou de loin à KlezKanada, qui propose annuellement un formidable camp musical et qui s’associe cette année au mouvement Art Against Humanity pour organiser à Montréal le minifestival The Seykhel Revolution, auquel participera Ichka.
Formé en France il y a presque une décennie par l’accordéoniste Laurence Sabourin et le clarinettiste Zilien Biret, Ichka a révélé sa mouture québécoise en 2012 après que les deux complices se sont installés ici. Au départ, une passion commune pour les archives les anime, et l’objectif devient la musique ancienne que les juifs ont apportée de Pologne, d’Ukraine et de Moldavie, pour la transformer dans le Nouveau Monde au contact du jazz américain dans les années 1910 et 1920.
Et cet amour de la recherche ne s’est pas amenuisé: «À travers le monde, on est reconnus pour avoir beaucoup d’archives », raconte Zilien Biret, un ancien flûtiste venu originalement de La Réunion et qui se fait également entendre dans la Gypsy Kumbia Orchestra. «Je fais beaucoup d’échanges avec le Centre traditionnel de musiques et de danses à New York. On fait aussi des recherches sur les sites Internet, beaucoup sur les sites russes. On a vraiment un gros stock de répertoire et d’enregistrements. » Ichka collabore également avec l’ethnomusicologue Zev Feldman.
Le groupe peut donc interpréter de nombreuses sources. Au début, les musiciens écoutaient et rejouaient. Aujourd’hui, la personnalité d’Ichka s’affirme beaucoup plus. Zilien Biret explique: «On varie davantage le répertoire. On commence à jouer de la musique lauta, qui est la musique roumaine de Moldavie. On se permet plus de choses dans nos improvisations, et l’arrivée de l’accordéoniste Yoni Kaston a calmé nos tempos en nous apportant un côté spirituel. Il joue beaucoup de musiques turques et s’intéresse aux musiques bulgares. »
Également membre des formations Ihtimanska et Siach Hasadeh, Yoni est au coeur des musiques juives faites au Québec. Il parle de ce qui l’anime: « C’est sûr que, pour moi, c’est important de combattre un certain stéréotype qu’on a par rapport à la musique juive. On pense à quelqu’un avec un petit chapeau, une petite veste, mais pour moi, c’est très profond et il y a cette vaste gamme d’émotions avec des pièces spirituelles déchirantes, des pièces lentes qui ont un côté extrême, et en même temps, il y a le klezmer, la joie. »
Ce mardi, au Musée du Montréal juif, Ichka offrira une partie contemplative et une autre pour la danse. Ses membres permettent une polyvalence: le violoniste Isaac Beaudet est issu du trad québécois avec une formation en jazz ; le trombonistetubiste Eli Camilo fait partie du Lemon Bucket Orchestra de Toronto, et le batteur-percussionniste Thierry Arsenault est passé par New York avant de battre la mesure avec Shtreiml et d’autres artistes montréalais.
Quant à Zilien Biret, deux clarinettistes l’ont marqué, Naftule Brandwein et Dave Tarras: « Je m’identifie plus au premier. C’était un autodidacte assez excentrique, et son répertoire se rapproche beaucoup de ce qui était joué en Europe de l’Est. Dave Tarras en a fait dans les années 1930, mais il est tout de suite passé au klezmer américain.» Toute cette richesse se retrouve chez Ichka.