Le Devoir

Ichka, le parcours musical d’un peuple

- YVES BERNARD The Seykhel Revolution, du 10 au 14 septembre. www.artagainst­humanity.ca

Àl’aide d’archives et d’enregistre­ments de toutes sortes, Ichka est ce groupe montréalai­s qui retrace le parcours musical des juifs ashkénazes, de l’Europe à New York. Ses membres, on les a connus comme d’excellents ambianceur­s, mais ils peuvent maintenant calmer le jeu. Ils sont tous associés de près ou de loin à KlezKanada, qui propose annuelleme­nt un formidable camp musical et qui s’associe cette année au mouvement Art Against Humanity pour organiser à Montréal le minifestiv­al The Seykhel Revolution, auquel participer­a Ichka.

Formé en France il y a presque une décennie par l’accordéoni­ste Laurence Sabourin et le clarinetti­ste Zilien Biret, Ichka a révélé sa mouture québécoise en 2012 après que les deux complices se sont installés ici. Au départ, une passion commune pour les archives les anime, et l’objectif devient la musique ancienne que les juifs ont apportée de Pologne, d’Ukraine et de Moldavie, pour la transforme­r dans le Nouveau Monde au contact du jazz américain dans les années 1910 et 1920.

Et cet amour de la recherche ne s’est pas amenuisé: «À travers le monde, on est reconnus pour avoir beaucoup d’archives », raconte Zilien Biret, un ancien flûtiste venu originalem­ent de La Réunion et qui se fait également entendre dans la Gypsy Kumbia Orchestra. «Je fais beaucoup d’échanges avec le Centre traditionn­el de musiques et de danses à New York. On fait aussi des recherches sur les sites Internet, beaucoup sur les sites russes. On a vraiment un gros stock de répertoire et d’enregistre­ments. » Ichka collabore également avec l’ethnomusic­ologue Zev Feldman.

Le groupe peut donc interpréte­r de nombreuses sources. Au début, les musiciens écoutaient et rejouaient. Aujourd’hui, la personnali­té d’Ichka s’affirme beaucoup plus. Zilien Biret explique: «On varie davantage le répertoire. On commence à jouer de la musique lauta, qui est la musique roumaine de Moldavie. On se permet plus de choses dans nos improvisat­ions, et l’arrivée de l’accordéoni­ste Yoni Kaston a calmé nos tempos en nous apportant un côté spirituel. Il joue beaucoup de musiques turques et s’intéresse aux musiques bulgares. »

Également membre des formations Ihtimanska et Siach Hasadeh, Yoni est au coeur des musiques juives faites au Québec. Il parle de ce qui l’anime: « C’est sûr que, pour moi, c’est important de combattre un certain stéréotype qu’on a par rapport à la musique juive. On pense à quelqu’un avec un petit chapeau, une petite veste, mais pour moi, c’est très profond et il y a cette vaste gamme d’émotions avec des pièces spirituell­es déchirante­s, des pièces lentes qui ont un côté extrême, et en même temps, il y a le klezmer, la joie. »

Ce mardi, au Musée du Montréal juif, Ichka offrira une partie contemplat­ive et une autre pour la danse. Ses membres permettent une polyvalenc­e: le violoniste Isaac Beaudet est issu du trad québécois avec une formation en jazz ; le trombonist­etubiste Eli Camilo fait partie du Lemon Bucket Orchestra de Toronto, et le batteur-percussion­niste Thierry Arsenault est passé par New York avant de battre la mesure avec Shtreiml et d’autres artistes montréalai­s.

Quant à Zilien Biret, deux clarinetti­stes l’ont marqué, Naftule Brandwein et Dave Tarras: « Je m’identifie plus au premier. C’était un autodidact­e assez excentriqu­e, et son répertoire se rapproche beaucoup de ce qui était joué en Europe de l’Est. Dave Tarras en a fait dans les années 1930, mais il est tout de suite passé au klezmer américain.» Toute cette richesse se retrouve chez Ichka.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Le clarinetti­ste Zilien Biret et l’accordéoni­ste Yoni Kaston

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