Le Devoir

Laura Sauvage, l’alter ego pour être encore plus soi-même

Son troisième disque, The Beautiful, est bon comme une drogue sans drogue

- SYLVAIN CORMIER

«Insanely bon album», écrit Lisa LeBlanc sur sa page Facebook. Oui, bien sûr, Vivianne Roy est sa «BFF» («best friend forever», comme dirait Taylor Swift), mais je suis absolument, totalement du même avis: The Beautiful, le troisième disque de Vivianne en tant que Laura Sauvage, est bon comme une drogue sans drogue. Instantané­ment bon. Vous qui écoutez des albums, vous connaissez cette sensation: on est happés, aspirés, par l’effet de succion des sons, zou! En dix secondes d’Everything Is in Everything, on est dedans. L’attaque du riff, la guitare avec l’effet tournoyant, on est précipités dans la chanson, et puis ça se calme et on baigne dans l’ambiance garage-psych. On est à bord, on suit le courant. «The best things in life / Aren’t things / It’s life», chante Laura d’un ton à la fois doux et détaché. On flotte avec elle.

«Ça a toujours été en moi, cette envie de faire du rock psychédéli­que, même avant les Hay Babies», avoue Laura-Vivianne. Bon, disons Vivianne tout court, pour la suite de l’entrevue. C’est elle que je connais depuis Folio, le minialbum qui a lancé les Hay Babies en 2012. Déjà, sur scène, à ce moment-là, elle semblait débarquer de San Francisco, très hippie 1967, très Janis. Devenir Laura Sauvage pour son projet solo, ça n’a jamais été autre chose qu’officialis­er ce que l’on pressentai­t chez elle, une manière pour la fille plutôt timide de s’incarner dans un personnage affranchi, libre, cool. «C’est ma façon de pas être gênée d’être moi. Ça me permet d’être quelqu’un d’autre, mais ce quelqu’un d’autre, c’est encore moi, qui m’affirme: laisse-moi vivre mon alter ego! Quand tu me connais comme personne, finalement, y a des jours où je suis pas mal plus Laura Sauvage que Vivianne Roy… »

Tempêtes et accalmies

Comprendre : faroucheme­nt insaisissa­ble. Telle quelle. Un peu extrême, d’une chanson à l’autre. Voire dans la même chanson. Exemple. C’est d’abord le bien-être qu’elle exprime dans Patio Living: «Squirrels are behaving / and we’re feeling giggly». Et puis elle se fâche, malvenus les gâcheurs de plaisir : « We’re not too loud / Still our neighbors get sick of it / They say “Love Thy” / But I say “Fuck it”». Et vlan. Ça résonne dans la musique. Tempêtes et accalmies se succèdent, c’est passionnan­t et pas reposant. «Ça me ressemble profondéme­nt. La bipolarité, j’utilise de plus en plus ça dans la compositio­n. Je le faisais depuis le début avec les Hay Babies, mais Laura Sauvage me donne la permission d’y aller all the way. Dans la vie, j’ai des colères, des furies, et puis après je suis smooth, vraiment douce. J’essaye juste d’être honnête avec mes sentiments. Laura Sauvage est mon personnage, avec elle je peux jouer avec ça, pousser la musique plus fort dans chaque attitude. »

Exacerber : un mode de création qui sied naturellem­ent au réalisateu­r Dany Placard, présent depuis le minialbum Americana Submarine. Un rugueux et un sensible. «Il me laisse aller, je lui donne pas le choix, mais c’est sûr qu’il aime ça quand ça rentre dedans, et que le son est pas trop clean. On est pareils, il me pousse, je le pousse à me pousser. » Les autres Hay Babies, Katrine Noël et Julie Aubé, chantent çà et là des harmonies: elles n’étaient pas présentes les deux dernières fois. «Peut-être que j’avais besoin de me rassurer au début, de montrer que j’étais capable toute seule, mais là, dans ma vie, je les veux tout le temps proches de moi, Kat et Julie. Elles chantent super bien les three-part harmonies, on se comprend, on s’aime, c’est notre maison les Hay Babies, on est liées. Je peux faire mes propres backs, mais avec elles, c’est multicolor­e. Y a pas de vraie séparation entre les projets. Même chacune de notre bord, on est toujours ensemble. »

Une vie complète

N’empêche qu’il y a un engouement particuliè­rement fort pour Laura Sauvage. Dans mon palmarès de l’an dernier, l’album Extraordin­ormal se hissait très haut. Dans d’autres classement­s aussi. On avait tous aimé La quatrième dimension (version longue), le troisième Hay Babies, mais c’est Laura qui a suscité le plus vif émoi. Conséquenc­es ? «On n’est surtout pas en compétitio­n, insiste Vivianne. On veut juste pas se limiter, on veut juste vivre tout ce qu’on peut vivre…. » À d’autres les préférence­s. À elles la marge de manoeuvre la plus grande possible: tournées en alternance, l’important est de jouer tout le temps. « Shouldn’t we all just get a life?» demande Laura Sauvage dans Everything Is in Everything. Une vie complète.

Notez: en cinq ans, on aura eu trois albums des Hay Babies, trois albums de Laura Sauvage, et le premier album de Julie Aubé, qui paraît également ces jours-ci. Ça fait beaucoup de (bonne) musique depuis 2012. «Ça arrive de même. Les autres Hay Babies vivent au Nouveau-Brunswick, moi j’habite à Montréal. Quand je suis toute seule à la maison, entre les tournées, je file quasiment guilty de rien faire, alors je commence des tounes. Pour la pratique. Je me retrouve avec des chansons pas trop folk, qui sont moins Hay Babies : c’est comme ça que j’ai monté le répertoire de Laura Sauvage.» Sans vraiment faire exprès. «Juste en n’arrêtant pas de jouer et de composer. Demain en me levant, c’est peut-être une toune des Hay Babies qui va sortir…»

THE BEAUTIFUL

Laura Sauvage Simone Records

En spectacle au Rialto, le samedi 16 septembre, dans le cadre de Pop Montréal

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 ?? PEDRO RUIZ LE DEVOIR ?? Sur le troisième album de Laura Sauvage, The Beautiful, tempêtes et accalmies se succèdent. C’est passionnan­t et pas reposant: un peu extrême, d’une chanson à l’autre.
PEDRO RUIZ LE DEVOIR Sur le troisième album de Laura Sauvage, The Beautiful, tempêtes et accalmies se succèdent. C’est passionnan­t et pas reposant: un peu extrême, d’une chanson à l’autre.
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