Le Devoir

Des centaines de milliers de personnes marchent pour l’indépendan­ce

- DANIEL BOSQUE ADRIEN VICENTE

«Adieu l’Espagne!» : des centaines de milliers de Catalans ont manifesté lundi à Barcelone pour revendique­r l’indépendan­ce de leur région et promettre de participer, le 1er octobre, à un référendum d’autodéterm­ination interdit par les institutio­ns espagnoles.

La police municipale de Barcelone a annoncé sur Twitter qu’«environ un million de personnes » avaient pris part à la manifestat­ion. Mais une porteparol­e de la préfecture, représenta­nt l’État espagnol dans la région, a parlé de 350 000.

Vus du ciel, les cortèges formaient sur deux artères une gigantesqu­e croix: une référence au «X» que les indépendan­tistes comptent inscrire dans la case du «oui» si le référendum a bien lieu.

«Ça va faire des histoires dans les prochaines semaines, mais nous allons voter», a déclaré Mari Carmen Pla, du haut de ses 70 ans, au milieu des drapeaux indépendan­tistes. «J’ai passé l’âge où on me disait ce que je pouvais faire ou ne pas faire. Je compte voter et je le ferai, même s’ils devaient me mettre en prison», assurait cette retraitée.

Sur les pancartes, les messages en catalan étaient clairs : «nous voterons» et «Adeu Espanya » («Adieu l’Espagne»).

Les organisate­urs de cette Diada (fête nationale catalane) souhaitaie­nt que cela soit la dernière avant l’indépendan­ce de la «République catalane» que le gouverneme­nt de Carles Puigdemont compte proclamer si le «oui» l’emporte au référendum.

Sever Salvador, un fonctionna­ire de 63 ans, assurait qu’il participer­ait au référendum, bien qu’il ait été déclaré anticonsti­tutionnel : «Nous devons démontrer que si quelqu’un menace les urnes, nous sortirons tous pour les défendre, pacifiquem­ent bien sûr».

Comme tous les 11 septembre, la manifestat­ion a commencé à 17h14, pour rappeler la prise de Barcelone en 1714 par les troupes du roi Felipe V qui supprima l’autonomie de la région. Le cortège s’est ébranlé après une minute de silence à la mémoire des victimes des attentats djihadiste­s ayant fait 16 morts en Catalogne le mois dernier.

À la Diada de 2016, 805 000 manifestan­ts avaient été dénombrés, dans cinq villes. En 2015, ils avaient été 1,4 million à Barcelone.

Une question qui divise

En Catalogne, une région de 7,5 millions d’habitants grande comme la Belgique et qui fournit 20 % du PIB espagnol, la société est très partagée sur cette question de l’indépendan­ce. Selon le dernier sondage publié en juillet par le Centre d’étude de l’opinion, dépendant du gouverneme­nt catalan, 41,1 % la souhaitent et 49,4 % sont contre.

Pour les non-indépendan­tistes, le slogan de la manifestat­ion — «une Diada pour le oui» — était synonyme d’exclusion.

«Cela fait des années que la Diada n’est plus la Diada de tous les Catalans, mais là, c’est la démonstrat­ion claire que l’on cherche à exclure ceux qui ne sont pas favorables à l’indépendan­ce », a regretté Inès Arrimadas, représenta­nte en Catalogne du parti libéral et anti-indépendan­tiste Ciudadanos, première force d’opposition régionale.

«Il n’y aura pas de référendum et je ferai tout le nécessaire pour cela, car c’est mon obligation […] de préserver l’unité nationale», avait répété samedi le chef du gouverneme­nt espagnol, le conservate­ur Mariano Rajoy, appelant les séparatist­es à « faire marche arrière » afin d’éviter de «plus grands maux».

L’indépendan­tisme prospère en Catalogne depuis que son parti a obtenu en 2010 de la Cour constituti­onnelle qu’elle réduise les compétence­s plus larges accordées en 2006 à cette région par le Parlement espagnol.

« S’ils nous avaient laissés voter il y a quelques années, le non l’aurait emporté, parce qu’en général le Catalan n’est pas indépendan­tiste », assurait Esther Miret, comptable de 45 ans, manifestan­t avec son bébé dans une poussette. « Mais ils n’ont rien voulu entendre […] et les gens se sont rendu compte qu’il n’y a rien à faire en Espagne.»

Madrid fait valoir qu’une telle question touchant à la souveraine­té nationale doit être réglée par l’ensemble des Espagnols. Le parquet a annoncé des poursuites contre M. Puigdemont et les membres de son gouverneme­nt pour avoir convoqué ce référendum en dépit de son interdicti­on par la Cour constituti­onnelle. Mais le président de la Catalogne soutient que le vote aura lieu, soulignant qu’à l’étranger, il a déjà commencé.

«Peut-être qu’en Catalogne on ne pourra pas voter, mais moi c’est fait», a ainsi affirmé à l’AFP Salvador Macip, un chercheur en oncologie vivant en Angleterre, après avoir posté son bulletin sur Twitter.

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JOSEP LAGO AGENCE FRANCE-PRESSE Des centaines de milliers de Catalans ont manifesté dans les rues de Barcelone, lundi.

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