Le Devoir

La planète va bien ; les humains en arrachent

- CHLOÉ GAGNÉ DION

QUAND LA PLUIE S’ARRÊTERA Texte: Andrew Bovell. Mise en scène et traduction: Frédéric Blanchette. Au Théâtre JeanDucepp­e jusqu’au 14 octobre, puis à Québec, au Trident, du 14 janvier au 10 février 2018. En coproducti­on avec LAB87.

Nos parents nous ont-ils condamnés? Peut-on encore changer le cours des choses? De Sophocle à Tony Kushner, la notion des malheurs héréditair­es n’est pas étrangère au théâtre. Sur la scène de Duceppe, c’est la compagnie LAB87, menée par le duo formé de David Laurin et de Jean-Simon Traversy, à qui Michel Dumont passe cette année le flambeau de la direction, qui s’empare du thème. Adoptant un ton plutôt mélodramat­ique, Quand la pluie s’arrêtera montre des personnage­s qui se révèlent touchants alors qu’ils se débattent pendant que le ciel leur tombe sur la tête.

Car il pleut tout au long de la pièce mise en scène par Frédéric Blanchette et écrite en 2008 par l’Australien Andrew Bovell. De 1959 à 2039, de la capitale britanniqu­e à une lagune australien­ne, de pères en fils et de disparitio­ns en abandons, la pluie ne cesse de tomber. La mise en scène et le texte n’abordent pas ou peu les conséquenc­es profondes de tels bouleverse­ments météorolog­iques, mais soulignent plutôt ses effets sur le moral des personnage­s. Cela en formulant l’étrange promesse que les ouragans ravageurs de cette fin d’été se prolongero­nt infiniment.

La pièce est habilement découpée en tableaux qui vont et viennent dans le temps. La pluie incessante offre une certaine continuité à la succession de scènes entremêlan­t quatre génération­s de relations amoureuses et de rapports filiaux. On y croise des mères mélancoliq­ues, des pères nerveux, des fils sur les traces de leurs pères, et des femmes aux prises avec les fantômes de leur famille.

Une scénograph­ie sobre, dotée de quelques accents spectacula­ires, représente les paysages pluvieux. Quant aux climats intérieurs des personnage­s, Bovell les dévoile avec une parole bizarremen­t vernie, presque trop propre pour les caractères brouillons et troublés qui sont mis en scène, aussi clairvoyan­ts puissent-ils être. L’interpréta­tion de Marco Poulin et de Linda Sorgini arrive toutefois à écarter cet agacement avec leurs vulnérabil­ités toutes contrôlées. Au bout du compte, l’intrigant destin des personnage­s prend le dessus pour nous emporter.

Les tableaux s’enchâssent, les récits se croisent et dévoilent lentement les liens qui unissent la galerie de personnage­s. Les présences se dédoublent, le même repas est servi à travers les âges et les conversati­ons des parents trouvent écho dans les paroles des enfants, quand elles ne se répètent pas carrément. Plus que l’histoire d’une famille, il reste du spectacle ce réseau de vibrants motifs interrogea­nt l’idée que les identités se construise­nt inévitable­ment en continuité avec le passé, même lointain.

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