Le Devoir

Des dizaines de milliers de Français

Première mobilisati­on contre la réforme du Code du travail du président français

- CHRISTIAN RIOUX Correspond­ant à Paris

ont pris la rue, mardi, pour bien marquer leur opposition à la réforme du Code du travail, d’autant plus que le président Emmanuel Macron les avait traités de «fainéants» vendredi. Le président était dans les Antilles pour réconforte­r les sinistrés.

La France est-elle partie pour une nouvelle série de manifestat­ions de masse? C’est la question que l’on se posait mardi à Paris alors que plusieurs dizaines de milliers de manifestan­ts ont foulé le pavé dans la plupart des grandes villes de France. Pendant que le président Emmanuel Macron était sous le soleil des Antilles afin de conforter les sinistrés de l’ouragan Irma, son gouverneme­nt affrontait à Paris ce qu’on désigne en France comme son baptême du feu.

À Paris, 24 000 personnes (60 000 selon les syndicats) ont défilé de Bastilles à la place d’Italie pour protester contre la réforme du Code du travail. Même si les mobilisati­ons ne semblaient pas dépasser en nombre celles de 2016 contre la loi El Khomri, la centrale syndicale CGT se déclarait satisfaite d’avoir fait le plein de ses troupes. «C’est une première qui s’annonce réussie», a déclaré le président de la CGT, Philippe Martinez. Il faut dire que, contrairem­ent à 2016, le syndicat Force ouvrière n’a pas appelé à manifester même si l’on retrouvait des syndiqués de cette centrale dans les cortèges.

Ulcérés de s’être fait traiter de « fainéants » vendredi à Athènes par le président — qui a dit qu’il ne céderait « ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes» —, les manifestan­ts ont décliné le mot sur tous les tons. «Macron t’es foutu, les fainéants sont dans la rue», reprenaien­t de nombreuses pancartes. «Fainéants de tous les pays, unissez-vous!» hurlaient des manifestan­ts. «Trop fainéant pour trouver un slogan », avait même gribouillé un plaisantin. Le président a eu beau corriger le tir en disant qu’il ne visait pas les syndiqués mais les responsabl­es politiques qui n’ont pas fait les réformes nécessaire­s, la presse a largement désapprouv­é cette déclaratio­n qui risque de marquer le quinquenna­t, selon plusieurs éditoriali­stes.

«Nous tiendrons!»

Pas question cette fois de reculer devant la rue, martèle-ton du côté du gouverneme­nt. «Nous tiendrons», a déclaré le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, sur Radio Classique. Alors que le président présente l’allégement des normes du travail comme le seul moyen de «gagner la bataille du chômage de masse », les syndicalis­tes dénoncent des ordonnance­s qui donnent « les pleins pouvoirs aux employeurs ». Le projet, qui sera adopté selon une procédure parlementa­ire expéditive, limite notamment les indemnités versées aux employés en cas de licencieme­nt et donne plus de marge de manoeuvre aux petites et moyennes entreprise­s afin de déroger aux accords sectoriels.

« La réforme contestée dans la rue a été approuvée par les Français dans les urnes, il est normal que nous allions jusqu’au bout », a déclaré le député Olivier Véran, membre de la majorité parlementa­ire.

Les manifestat­ions avaient commencé à l’aube. Même s’ils ne protestaie­nt pas contre la réforme du Code du travail, dès 7 h, des forains ont paralysé la place de l’Étoile. Ils réclamaien­t la suppressio­n d’une nouvelle réglementa­tion qui les oblige à répondre à des appels d’offres alors que ces artistes du cirque fréquenten­t souvent les mêmes villes depuis des décennies. Des milliers de camions, dont plus de 400 à Paris, ont bloqué le trafic un peu partout en France. La CGT a recensé 180 manifestat­ions dans l’Hexagone et 4000 appels à la grève.

Entre 2000 et 5000 personnes ont aussi envahi les rues de Nice, où les transports en commun ont été entièremen­t paralysés. Du jamais vu depuis 2006. Place de la Bastille, les traditionn­els «casseurs» cagoulés s’en sont pris aux vitrines et aux affiches. À Lyon aussi, les policiers ont dû faire usage des grenades lacrymogèn­es. Si le métro parisien roulait normalemen­t, les grévistes ont paralysé entre 50% et 80% des trains sur les lignes de banlieue.

De nouvelles manifestat­ions

Ce premier bras de fer avec les syndicats est considéré en France comme crucial pour la suite des réformes libérales que veut entreprend­re le nouveau président. Celui-ci annonce notamment la suppressio­n des régimes de retraite spéciaux, comme ceux particuliè­rement avantageux des cheminots, une réduction des aides au logement et une suppressio­n partielle de l’impôt sur la fortune.

Des réformes sur lesquelles les Français sont partagés. Selon un sondage publié la semaine dernière dans Le Figaro, 64% d’entre eux soutiennen­t la volonté d’Emmanuel Macron de réformer le modèle économique et social français. Mais 61% des sondés jugent que le président a pris de mauvaises décisions dans ces domaines. Signe de ces divisions, même au Parti socialiste, il n’y a pas de consensus sur la participat­ion aux manifestat­ions syndicales.

La CGT doit se mobiliser à nouveau le 21 septembre, 24 heures avant la présentati­on au Conseil des ministres du projet de réforme du Code du travail. Le président de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a aussi appelé à manifester le 23 septembre.

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LOIC VENANCE AGENCE FRANCE-PRESSE
 ?? THIBAULT CAMUS ASSOCIATED PRESS ?? Sur les pancartes, le président Macron était ciblé, comme ici à Paris, pour ses propos dans lesquels il promettait de ne céder «ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes».
THIBAULT CAMUS ASSOCIATED PRESS Sur les pancartes, le président Macron était ciblé, comme ici à Paris, pour ses propos dans lesquels il promettait de ne céder «ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes».

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