Le Devoir

Des formations pour protéger de la violence les employés de la santé sont réclamées

- ANNABELLE CAILLOU

Inquiets de voir les cas de violence au travail se répéter dans le secteur de la santé, des travailleu­rs et experts du milieu demandent une meilleure formation du personnel pour prévenir les agressions dans les milieux plus à risque.

Menaces, insultes, coups de pied, gifles… les employés oeuvrant auprès des malades sont souvent victimes de violence sur leur milieu de travail. Il y a deux semaines, un homme de 25 ans a violemment agressé une infirmière et une préposée aux bénéficiai­res à l’Hôpital général de Montréal.

En 2015, sur l’ensemble des secteurs d’activité, la plus grande part des lésions attribuabl­es à la violence en milieu de travail (soit 32,8%) concernait le personnel de la santé. 664 cas ont été enregistré­s par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.

Des chiffres qui inquiètent le directeur du Centre d’étude sur le trauma à l’Institut universita­ire en santé mentale de Montréal, Stéphane Guay. À ses yeux une meilleure formation des employés travaillan­t avec des patients susceptibl­es d’avoir un comporteme­nt violent est nécessaire pour réduire le nombre d’agressions, particuliè­rement en milieu hospitalie­r psychiatri­que.

Une opinion partagée par Daniel-Martin Leduc qui travaille aux urgences de l’Hôpital général de Montréal. «Le problème doit être pris en amont, il faudrait une formation adéquate pour être préparé à ça au quotidien », estime M. Leduc.

L’infirmier confie assister à des scènes de violence verbale et physique chaque jour. Son ancienne collègue Marie-Ève Carignan et lui ont été agressés par une patiente en psychiatri­e l’année passée. « Elle m’a d’abord fait des menaces de mort, ensuite elle s’est jetée sur moi. Elle me tenait par les cheveux et me frappait », raconte Mme Carignan. Il a fallu que M. Leduc, lui-même mordu «jusqu’au sang», lui vienne en aide.

Aucune obligation

Au Québec, plusieurs formations sont proposées par des organismes et associatio­ns se souciant de la sécurité des travailleu­rs. Mais rien n’oblige les établissem­ents de santé à les offrir à leurs employés. « Les établissem­ents sont responsabl­es et autonomes dans le choix des formations données à leur personnel, dont ils sont les mieux placés pour identifier les besoins spécifique­s », indique le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Dans ses recherches, M. Guay a pu évaluer les effets de la formation Oméga. Proposée par l’Associatio­n paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur des affaires sociales depuis la fin des années 1990, cette approche est de plus en plus utilisée dans le secteur psychiatri­que, note-t-il. « C’est une méthode de pacificati­on verbale. Elle permet d’identifier un individu qui montrerait des indices de violence ou d’agressivit­é et d’intervenir avant qu’il passe à l’acte».

«Ça donne confiance [aux employés] de bien gérer leurs patients et on voit une améliorati­on de leur santé mentale.» M. Guay reconnaît par contre qu’il n’a pas été prouvé que le nombre d’agressions diminue significat­ivement après la formation. « En même temps, si on apprend à dépister les comporteme­nts violents, c’est logique qu’on en déclare davantage.»

De son côté, la présidente de la Fédération interprofe­ssionnelle de la santé du Québec, Régine Laurent, estime que la formation «ne règle pas tout » et montre du doigt les compressio­ns budgétaire­s du gouverneme­nt qui forcent la réduction du personnel. « C’est difficile d’intervenir seul face à une personne en crise. Il faut évaluer un quota de personnel selon les besoins des patients ».

Banalisati­on du problème

«C’est pas normal de subir de la violence en milieu de travail, il faut le dénoncer », s’offusque Mme Laurent, soulignant que trop d’employés ne rapportent pas avoir été victimes d’une agression.

M. Guay a en effet constaté qu’une culture de la banalisati­on de la violence règne dans le milieu. «Ça fait partie de la job. Certains ont même peur d’être jugés négativeme­nt par leurs collègues ou supérieurs s’ils veulent se plaindre. »

Selon lui, les directeurs des services de santé devraient justement suivre une formation pour faire de la prévention et effectuer un suivi adéquat auprès de leurs employés victimes de violence. Une prise en charge à l’heure actuelle «quasi inexistant­e », note-t-il.

Il y a deux semaines, un homme de 25 ans a violemment agressé une infirmière et une préposée aux bénéficiai­res à l’Hôpital général de Montréal

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