Le Devoir

Soumettre le projet de REM à un « test climat »

- JEAN-FRANÇOIS BOISVERT SHAEN JOHNSTON Climat Montréal FRANCIS LAPIERRE JOHN SYMON Groupe Trainspare­nce

Lettre envoyée à David Heurtel, ministre du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s

Comme vous le savez très bien, nos engagement­s de réduction des gaz à effet de serre (GES) sont ambitieux et leurs échéances sont très courtes. Pour respecter nos engagement­s, nous devons choisir les meilleurs projets disponible­s, dès maintenant. Le Réseau électrique métropolit­ain (REM) est un projet de plus de 6 milliards, qui prendra la plupart des investisse­ments en transport collectif pendant la prochaine décennie. Il nous semble donc pertinent de faire une évaluation complète des effets du projet sur les émissions de GES.

Le promoteur du projet, la Caisse de dépôt et placement du Québec filiale Infrastruc­tures (CDPQ-Infra), a effectivem­ent réalisé une étude à ce sujet : «Étude sur les gaz à effet de serre», datée du 1er février 2017. Par contre, cette étude comporte plusieurs lacunes majeures qui empêchent de conclure sur les mérites du projet.

La première lacune porte sur les effets du REM sur l’utilisatio­n de l’automobile. L’étude présente (p. 15) une estimation de la réduction des GES associée à l’exploitati­on du REM, soit 35 049tonnes de CO2, en 2021.

Cette réduction estimée est très modeste, soit un dixième de 1% des émissions du transport au Québec. Elle porte sur la réduction de voitures/km ou de bus/km, sans tenir compte des effets du projet sur l’étalement urbain. Il existe pourtant un consensus voulant que la hausse des émissions du transport soit directemen­t liée à l’étalement urbain. L’étude de la CDPQ néglige donc l’enjeu le plus important à moyen et à long terme.

De plus, l’étude néglige complèteme­nt les effets du projet sur les autres services de transport collectif. Par exemple, le REM «enlèvera» une forte proportion des usagers des lignes de trains de Vaudreuil et de Candiac. Cela pourrait entraîner la fermeture de ces lignes et inciter plusieurs usagers à utiliser leur automobile au lieu du transport collectif.

Émissions à court terme

Une autre lacune porte sur les émissions à court terme, dues à la constructi­on du projet. Au tableau 4-4, l’étude présente une «Estimation des émissions totales résultante­s des activités de constructi­on du REM», soit 86 930 tonnes de CO2. Voici deux citations dans le texte (p. 17) qui indiquent que le titre du tableau est trompeur : «L’estimation inclut les émissions associées au transport des matériaux et celles associées à la consommati­on de carburant par les équipement­s mobiles sur les chantiers » ; «L’estimation des émissions de GES associées à la constructi­on du REM ne tient pas compte du cycle de vie complet des matériaux de constructi­on, notamment des émissions associées à la production de l’acier et du béton.»

Un chercheur indépendan­t, Luc Gagnon, a comparé le REM avec trois projets similaires dont les analyses incluent la fabricatio­n du ciment, qui est l’enjeu principal de la constructi­on. Cette comparaiso­n permet de conclure que les émissions de GES de la constructi­on du REM dépasseron­t probableme­nt 700 000 tonnes de CO2. La constructi­on du REM annulerait donc pendant 20 ans la baisse annoncée des émissions.

Globalemen­t, l’étude de la CDPQ néglige ainsi plusieurs enjeux importants relatifs aux émissions de GES, dont l’étalement urbain et la fabricatio­n du ciment. Nous vous demandons donc de combler ces lacunes, en réalisant une étude complète des émissions des GES. Une telle étude doit être réalisée par une institutio­n indépendan­te de la CDPQ. Les résultats doivent être discutés publiqueme­nt, avant le début de la constructi­on du projet. Une évaluation crédible devrait également considérer si d’autres projets permettrai­ent d’offrir de plus grandes réductions des émissions, à moindres coûts.

Deux coalitions vous demandent donc que le Réseau électrique métropolit­ain (REM) soit soumis à un vrai «test climat ». La réduction des émissions de GES représente le plus grand défi de notre génération. En tant que ministre responsabl­e de la Lutte contre les changement­s climatique­s, nous espérons que vous y accorderez l’importance requise.

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