Une proposition alambiquée
Fidèle à sa réputation, le chef du Parti québécois, JeanFrançois Lisée, a joué au funambule avec un «compromis» sur l’enjeu de la fréquentation du cégep anglais par des étudiants issus du réseau scolaire français. Il a réussi à manoeuvrer afin d’éviter un affrontement alors qu’il était soumis à un vote de confiance, tout en maintenant, sur papier, sa position de maintenir le libre choix pour l’enseignement au cégep. Mais la proposition retenue est alambiquée et on voit mal comment un gouvernement péquiste, qui compterait remettre le dentifrice dans le tube, pourrait l’appliquer.
Le PQ ne préconise pas, comme le souhaitaient nombre de ses militants et comme il l’a déjà fait, l’application de la loi 101 au cégep, soit interdire aux étudiants issus du réseau scolaire français de fréquenter un cégep anglais. Mais c’est tout comme: les délégués réunis au congrès du PQ ont adopté une proposition visant à réduire graduellement le financement des cégeps anglais de façon à ce qu’il corresponde au poids démographique de la minorité anglophone historique. Il s’agirait de réduire de moitié le financement de ces cégeps et le nombre d’étudiants qu’ils accueillent. À l’heure actuelle, 16% des cégépiens fréquentent un établissement anglophone: cette proportion devrait passer à quelque 8%.
Le chef péquiste est capable de lire les sondages. Selon un récent coup de sonde de Léger, une majorité de Québécois, dont une majorité de francophones, s’oppose à l’application de la loi 101 au cégep.
Or un gouvernement dirigé par Jean-François Lisée ferait indirectement ce qu’il n’oserait faire directement. Au congrès, Marc Laviolette, qui militait depuis des mois pour qu’on étende la loi 101 au cégep, s’est posé en ardent défenseur de la proposition de compromis. «Le Québec nous regarde présentement. On veut reprendre le chemin des victoires», a-t-il soutenu. En clair, si le PQ ne veut pas nuire à ses chances de gagner les prochaines élections, il a intérêt à mettre sous le boisseau cette extension de la portée de la Charte de la langue française. On semble croire que les électeurs seront dupes ; comme analyse politique, nous avons déjà vu mieux.
Bref, le PQ aurait fait preuve de plus de cohérence — et de moins d’hypocrisie — en adoptant une proposition pour simplement étendre la loi 101 au cégep.
De son côté, sans aucune nuance, Philippe Couillard défend le droit des francophones et des allophones de fréquenter le cégep anglais. Si on suit sa logique, le Québec est mûr pour l’expansion de ce réseau compte tenu de sa popularité. Or, pour répondre au voeu d’un grand nombre de Québécois, il faut plutôt renforcer l’enseignement de l’anglais dans les cégeps francophones.