Oser choisir le secondaire public sur le Plateau ?
Je suis un «gars de Brébeuf». Je garde de bons souvenirs (dont certains très vagues) et une certaine fierté de mon secondaire. J’éprouve aussi un certain malaise de n’avoir pas réalisé, lors de mon passage au privé, que j’étais du «bon bord» d’une forme de ségrégation scolaire. Trente ans plus tard, ma fille termine son secondaire à McMasterville, la «troisième école secondaire au Québec pour ce qui est de la qualité», même si elle est publique.
Là aussi, on fait de la ségrégation scolaire, car on y regroupe les meilleurs de toute la commission scolaire des Patriotes. Ma fille a vite remarqué le problème… et moi, comme père, j’ai eu le malaise de ne pas avoir remarqué que ce «meilleur secondaire public québécois» a importé un modèle de ségrégation des institutions privées pour se hausser au niveau de ces dernières. Certes, sans séparer les riches des pauvres, mais en retirant les «bolés» des écoles de quartier. C’est, selon moi, ce qui fait le plus mal: soustraire des étudiants modèles, inspirants, qui pourraient aider les autres, de nos écoles dites «normales». Comme s’il était normal que les élèves performants ne partagent pas la vie de ceux qui ont plus de difficulté, ou d’autres sortes de défis. J’arriverai dans quelque temps, pour une troisième fois, devant le choix d’une école secondaire.
Mon fils est en deuxième dans une exceptionnelle école primaire publique du Plateau Mont-Royal: un quartier d’artistes, d’universitaires et, avouons-le, gentrifié. L’école secondaire du quartier est l’une des écoles secondaires «ayant la pire réputation».
Les parents de cette forteresse de Québec solidaire, du quartier des «intellos» et de la clique du Plateau, envoient donc la grande majorité de leurs enfants dans les écoles privées de Mont-Royal.
Mon fils ira au secondaire dans cinq ans. Je sens que, si rien ne change, j’enverrai mon «bolé» (je suis partial mais c’est vrai, il est vraiment brillant) étudier ailleurs que dans son quartier.
On ne peut pas attendre des libéraux une solution à la ségrégation scolaire. Ce n’est pas dans leurs gènes.
Je pense qu’on peut changer les choses sur le Plateau, sur le terrain. Donner l’exemple, comme on l’a fait pour valoriser la vie de proximité, pour le transport actif et collectif et pour l’environnement. Il nous faudra du courage. Le courage de risquer, comme parents, d’envoyer nos enfants, y compris les doués, dans l’école de quartier.
J’ai la chance d’avoir cinq ans devant moi, pour m’impliquer, pour améliorer les choses et pour motiver mon voisinage à changer les choses pour «notre école secondaire de quartier», pour la rendre aussi exceptionnelle que nos écoles primaires.
Amis et parents du Plateau, et ceux de plusieurs autres quartiers en situation semblable, travaillons ensemble à améliorer nos écoles secondaires. Ça ne viendra pas par le haut, ça viendra d’un travail de terrain.
La ségrégation scolaire est une mauvaise idée collective, qu’il faut collectivement corriger. Jean Beaudoin Le 11 septembre 2017