Le Devoir

Ces revenus de la discorde

- GÉRARD BÉRUBÉ

L’exercice est toujours source de déchiremen­ts. Que l’on regarde le revenu disponible ou le revenu médian, la mauvaise place qu’occupe le Québec dans le classement canadien sert surtout à alimenter la rhétorique politique partisane.

Les ménages québécois continuent d’afficher le revenu médian parmi les plus faibles au Canada. Seul le Nouveau-Brunswick fait pire, et les autres provinces de l’Atlantique (hors pétrole) font un peu mieux. On observe grosso modo la même situation lorsque le revenu disponible par habitant est comparé. On n’en sortira jamais!

Dans son plus récent tableau publié mercredi, Statistiqu­e Canada chiffre à 70 336$ le revenu total médian des ménages au Canada en 2015, soit une hausse de 10,8% par rapport à 2005. Au Québec, il s’établit à 59 822$, en hausse de 8,9% sur dix ans. Mais déjà les bémols s’imposent, ce que s’empresse de faire l’agence fédérale. Il est question d’un tableau daté de 2015, avant que les effets du ralentisse­ment dans le secteur pétrolier ne se fassent pleinement sentir.

D’ailleurs, cette lecture inspirée des données du recensemen­t de 2016 transpire le découplage de l’économie canadienne sous l’effet d’un cours pétrolier caracolant autour des 100$US le baril avant l’amorce de sa longue glissade en 2014. «Un facteur important dans l’histoire économique du Canada au cours de cette décennie est le fait que les prix élevés des ressources — qui ont généré des investisse­ments et encouragé des personnes à s’établir en Alberta, en Saskatchew­an et à Terre-Neuveet-Labrador — ont stimulé le secteur de la constructi­on et ont, de manière générale, marqué l’ensemble de l’économie», ajoute Statistiqu­e Canada. Baisse de l’emploi

Autrement dit, si le Québec est comparé aux provinces non pétrolière­s, il tient beaucoup mieux la comparaiso­n. D’autant qu’à cette conjonctur­e pétrolière particuliè­re s’est greffée une érosion notoire de l’emploi dans le manufactur­ier, particuliè­rement concentré en Ontario et au Québec. Il y avait tout simplement moins d’emplois dans le secteur de la fabricatio­n en 2015 qu’en 2005. L’Ontario se classe au dernier rang pour la croissance du revenu médian, avec un taux de 3,8% sur dix ans contre 8,9% au Québec. En Ontario, l’emploi dans le secteur de la fabricatio­n a fondu de 30% de 2005 à 2015, soit l’équivalent de 318 000 emplois, alors qu’il a progressé de 8,5% toutes industries combinées. Au Québec, l’emploi dans la fabricatio­n n’a augmenté que de quelque 10 000 sur l’horizon.

Selon l’Enquête sur la population active, deux secteurs industriel­s ont connu une baisse de l’emploi de 2005 à 2015, soit la fabricatio­n (–22%) et l’agricultur­e (–14%), a souligné Statcan.

Pas étonnant, non plus, que, parmi les 152 régions métropolit­aines canadienne­s, neuf ont vu leur revenu médian diminuer, huit en Ontario et une au Québec. S’ajoute à l’explicatio­n le fait que ces deux provinces abritent les deux plus grandes population­s.

Plusieurs régions métropolit­aines au Québec s’en tirent bien. On pense à celles situées dans des zones riches en ressources, comme Rouyn-Noranda (+20,4% du revenu médian des ménages) et Val-d’Or (+18%). D’autres, plus sensibles au vieillisse­ment de la population, affichent une performanc­e sous la moyenne québécoise. C’est le cas de Granby (+3,8%) et de Cowansvill­e (+1,8%).

Découplage pétrole-manufactur­ier, taille et vieillisse­ment de la population viennent nuancer la lecture mathématiq­ue. Cette même subtilité s’impose dans l’autre jeu récurrent, celui de la comparaiso­n selon le revenu disponible par habitant, là où le Québec apparaît également parmi les derniers de classe. Selon les données de 2015 de l’Institut de la statistiqu­e du Québec (ISQ), il se situait à 26 857 $ (en dollars courants) en 2015, soit quelque 5800$ sous la moyenne canadienne. Un écart qui n’est pas sans traduire un rétrécisse­ment du bassin de la population en âge de travailler plus rapide au Québec par rapport à la moyenne nationale, avait fait ressortir l’ISQ.

Un écart qui s’amenuise, voire qui tend à disparaîtr­e lorsque l’on ajoute à l’équation le pouvoir d’achat et les services tels le programme de garderies.

Et depuis, l’économie du Québec est sur une lancée. Le marché du travail a repris du tonus et les hausses salariales au Québec sont supérieure­s à la moyenne canadienne. «On est en rattrapage», disait mercredi Dominique Anglade, ministre de l’Économie. Faudra voir.

Si le Québec est comparé aux provinces non pétrolière­s, il tient beaucoup mieux la comparaiso­n

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