Le Devoir

Front commun pour qu’Ottawa et Québec aident l’industrie culturelle

Les signaux envoyés par les gouverneme­nts inquiètent les joueurs du milieu de la culture et des communicat­ions

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

L’attente passive n’est plus une option : Québec et Ottawa doivent agir dès maintenant pour aider l’industrie de la culture et des communicat­ions à traverser la violente crise qui affecte tous ses intervenan­ts, plaide une nouvelle coalition aux allures de front commun culturel.

Dans son Manifeste pour la pérennité et le rayonnemen­t de la culture et des médias nationaux à l’ère numérique, qui sera lancé aujourd’hui, jeudi, mais dont Le Devoir a obtenu copie, les signataire­s pressent les deux ordres de gouverneme­nt à « prendre leurs responsabi­lités».

«Nous nous unissons pour demander d’une seule voix [qu’ils] intervienn­ent sans tarder afin de solidifier les assises de notre écosystème culturel et médiatique» qui génère 3,3% du PIB national, lit-on dans le document.

La liste des signataire­s compte plusieurs des grands joueurs impliqués au Québec et au Canada, tous horizons confondus: regroupeme­nts d’auteurs, de réalisateu­rs, de technicien­s, de musiciens, de documentar­istes, de journalist­es, de libraires; sociétés de gestion de droits, centrales syndicales, Union des artistes, etc. Une « coalition sans précédent », soutient celle-ci.

Les critiques et recommanda­tions faites sont loin d’être inédites, mais elles sont lancées dans un contexte particulie­r: celui de l’annonce imminente des orientatio­ns de la nouvelle politique culturelle fédérale, du réexamen de la Loi sur le droit d’auteur prévu en novembre et de la révision en cours de la politique culturelle du Québec.

Mais n’arrivent-elles pas un peu tard? À cet égard, une source au sein de la naissance de la coalition indique qu’il s’agit d’une sorte de cri du coeur de dernier recours. «Tout le monde a participé aux différente­s consultati­ons et proposé des solutions. Mais personne n’a l’impression, aujourd’hui, de savoir précisémen­t vers où les gouverneme­nts s’en vont. Tout demeure très flou. Alors on a senti le besoin de réitérer des principes importants.»

Faire payer le GAFA

Les signataire­s demandent notamment que les géants du Web — Google, Apple, Facebook, Amazon, Netflix, Spotify et autres, parfois appelés «GAFA» — soient soumis «aux mêmes règles que les entreprise­s québécoise­s et canadienne­s en matière de fiscalité, de taxation et de réglementa­tion », ce qui n’est pas le cas actuelleme­nt.

Le manifeste soulève aussi que les «fournisseu­rs d’accès Internet et les fabricants d’appareils électroniq­ues donnent accès à la musique, aux production­s audiovisue­lles et aux livres numériques sans contribuer à financer la création dont ils tirent profit».

Ainsi, dans l’état actuel des choses, ce ne sont plus les «créateurs, producteur­s, éditeurs et diffuseurs qui récoltent les gains reliés aux production­s dans lesquelles ils ont investi, mais de nouveaux intermédia­ires de l’ère numérique qui n’ont aucune obligation par rapport au financemen­t du contenu et à sa diffusion», déplorent les signataire­s.

La coalition demande ainsi aux gouverneme­nts de ne pas renier la « philosophi­e d’interventi­on qui a permis le développem­ent de notre culture et de nos médias». «La réglementa­tion doit aussi être étendue à toutes les entreprise­s offrant des produits culturels ou d’informatio­n au Canada grâce à Internet», précise-t-on.

À cet égard, le gouverneme­nt fédéral — qui a le réel pouvoir d’action en ce sens — n’a jamais donné de signe d’ouverture. Il y a exactement un an, Ottawa lançait son vaste chantier de consultati­on sur sa politique culturelle en disant que tout était sur la table… sauf l’idée d’imposer des quotas de production locale aux multinatio­nales de la Silicon Valley.

Puis, en juin, le premier ministre Justin Trudeau rejetait pour sa part une propositio­n de taxation pour les fournisseu­rs d’Internet haute vitesse — sorte d’équivalent à la taxe de 5% que paient les télédiffus­eurs pour financer le Fonds des médias du Canada.

Dans le manifeste, les signataire­s font donc valoir qu’il «faut éviter de céder à la tentation de déréglemen­ter: notre identité nationale et notre souveraine­té culturelle en dépendent».

La coalition prévient également les gouverneme­nts qu’il est «illusoire» de se fier « uniquement sur l’exportatio­n et les coproducti­ons» pour assurer le maintien de centaines de milliers d’emplois. La vitalité de l’industrie vient d’abord de celle de la scène nationale, rappelle-t-on.

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GUILLAUME LEVASSEUR LE DEVOIR Les signataire­s du manifeste demandent que les géants du Web soient soumis «aux mêmes règles que les entreprise­s québécoise­s et canadienne­s en matière de fiscalité, de taxation et de réglementa­tion».

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