Le Devoir

Les ultraortho­doxes devront faire leur service militaire, tranche la justice

- DELPHINE MATTHIEUSS­ENT à Jérusalem

La Cour suprême israélienn­e a statué que les juifs ultraortho­doxes devaient accomplir leur service militaire comme les autres, ravivant les tensions sur un sujet qui cristallis­e depuis des années les dissension­s entre laïcs et religieux.

Les neuf juges de la Cour ont invalidé mardi un amendement de la loi sur le service militaire, adopté en 2015, qui visait à reporter des dispositio­ns légales votées en 2014 sous la pression du parti centriste laïque Yesh Atid, alors membre du gouverneme­nt.

Cette loi de 2014 prévoyait une hausse significat­ive de la conscripti­on des hommes ultraortho­doxes. Ces derniers bénéficiai­ent jusqu’alors d’exemptions généralisé­es en raison de leur statut d’étudiants de yeshivas, les écoles religieuse­s.

C’est le père fondateur d’Israël, David Ben Gourion, qui avait décidé en 1949 d’exempter de service quelques centaines d’étudiants de yeshivas au motif qu’ils étaient garants de la perpétuati­on de l’étude de la loi et de la religion juive.

Au fil des ans, avec la croissance importante de la population ultraortho­doxe, des centaines de milliers de jeunes se sont retrouvés automatiqu­ement exemptés, alors que les autres membres de leur classe d’âge étaient appelés à servir.

10% de la population

Dans la situation actuelle, le nombre des exemptions ne devrait pas cesser de croître. Représenta­nt aujourd’hui 10% de la population, la communauté ultraortho­doxe, beaucoup plus fertile, pourrait en constituer le quart d’ici à 2050, selon les projection­s.

Dans un pays habitué aux guerres, où l’armée est une institutio­n centrale, l’exception ultraortho­doxe est un motif de ressentime­nt dans les autres groupes sociaux.

La conscripti­on n’est que l’une des querelles à illustrer la confrontat­ion entre l’observance des règles juives et la vie moderne, avec la poursuite des travaux publics le jour du shabbat par exemple.

Le chef de file de Yesh Atid, Yaïr Lapid, membre du précédent gouverneme­nt de M. Nétanyahou, a salué sur sa page Facebook la décision de la Cour suprême.

La conscripti­on est faite «pour tout le monde, pas juste pour les imbéciles qui n’ont pas de parti dans la coalition », a-t-il écrit.

La décision a en revanche provoqué un déchaîneme­nt de réactions hostiles de la part de responsabl­es ultraortho­doxes. Le ministre de la Santé Yaacov Litzman a accusé à la radio publique la Cour suprême de tenter de renverser le gouverneme­nt, et un de ses juges « d’être tout le temps » contre les ultraortho­doxes.

Le ministre de l’Intérieur Arié Déry a estimé sur Twitter que la Cour suprême était « complèteme­nt déconnecté­e de nos traditions ».

Mais une crise gouverneme­ntale est improbable, spéculent les commentate­urs. Le quotidien Jérusalem Post écrivait que M. Nétanyahou avait déjà eu maintes occasions de trancher dans des crises touchant à la conversion, à la prière mixte au Mur des lamentatio­ns ou au travail le jour de shabbat, et qu’il avait « toujours choisi le camp des ultraortho­doxes».

La Cour suprême a par ailleurs spécifié que sa décision n’entrerait en vigueur que dans un an, ce qui laisse au gouverneme­nt ou à sa majorité parlementa­ire le temps de se retourner.

 ?? THOMAS COEX AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Un juif ultraortho­doxe dans le quartier de Méa Shéarim à Jérusalem
THOMAS COEX AGENCE FRANCE-PRESSE Un juif ultraortho­doxe dans le quartier de Méa Shéarim à Jérusalem

Newspapers in French

Newspapers from Canada