Le Devoir

Au-delà de l’Écosse

Alasdair Fraser et Natalie Haas proposent un nouveau disque qui lorgne l’Atlantique Nord

- YVES BERNARD Collaborat­eur Le Devoir

Cette année, pour la célébratio­n de son 25e anniversai­re, La Grande Rencontre se déroule du 14 au 17 septembre, toujours à la Maison de la culture Ahuntsic. Parmi les artistes majeurs qui s’y produisent, l’épatant duo formé du violoniste Alasdair Fraser et de la violoncell­iste Natalie Haas revient avec le répertoire de Ports of Call, son nouveau disque par lequel il explore plus que jamais un univers qui va bien au-delà de l’Écosse natale de Fraser.

Icône du violon traditionn­el écossais, il caresse le son, fait flotter les vieilles mélodies, se donne parfois des airs plus solennels, mais se plonge aussi dans le groove. Il y a 18 ans, il a recruté, à l’un des camps musicaux qu’il anime, une jeune violoncell­iste américaine aux forts sens rythmiques et mélodiques. Elle l’a d’abord suivi, puis est à son tour devenue chef de file dans l’exploratio­n des nouvelles sonorités autour de son instrument. Au début de leur aventure, les deux artistes s’adonnaient davantage aux airs anciens du XVIIIe siècle. Aujourd’hui, ils composent davantage. Leur musique est à la fois énergie et délicatess­e, un trad de chambre qui swingue et un raffinemen­t baroque dans les traditions: une façon de se plonger dans deux univers qui pourraient paraître opposés, mais avec eux, il n’en est rien.

Le duo fait aussi renaître la tradition du violoncell­e écossais, qui tenait un rôle de base dans la musique à danser. Alasdair Fraser raconte : «Cette tradition s’est perdue, probableme­nt à cause de l’arrivée du piano, puis de l’accordéon. Souvent, les gens de la tradition vont vers ce qui leur semble à la mode et ils oublient des choses anciennes. Cent ans après, ils se demandent où sont passés ces trésors oubliés. On revient alors et on trouve.»

À l’écoute de Fraser et Haas, un lien évident avec la musique baroque semble apparaître. Le violoniste acquiesce: « Ma première formation fut classique, puis je me suis senti chez nous avec la musique traditionn­elle. J’aime joindre les mondes des musiques baroques et traditionn­elles. Au XVIIIe siècle, le joueur de violon aurait joué Haendel ou Vivaldi un soir et de la musique de danse écossaise le lendemain. J’aime cette idée.» Parmi ses nombreuses influences, il cite Angus Grant, un violoneux de l’Ancien Monde au son rugueux, et Yehudi Menuhin.

Pour plusieurs, la musique traditionn­elle d’Écosse s’apparente davantage à la musique classique que celle des autres pays celtiques. Alasdair Fraser en explique la raison: « Ce fut une invasion de l’Europe continenta­le. Au XVIIIe siècle, il y a eu beaucoup de Français et d’Italiens qui sont venus, et souvent, les Écossais ont considéré que la musique classique avait un son plus propre ou raffiné. On a dû lutter pour conserver nos traditions. En plus, l’Empire britanniqu­e a vraiment essayé d’éteindre la musique des Highlands, le piping [avec tambours et cornemuses] et les autres traditions. L’Église presbytéri­enne a également eu un effet dévastateu­r sur notre musique.»

Ports of Call, le nouveau disque, intègre des sensibilit­és ou des styles de l’Écosse, des pays scandinave­s, de Galice, de Bretagne, du Bourbonnai­s, de Californie et même du Québec, où Natalie a habité jusqu’à l’an dernier. Le duo pourrait-il ouvrir encore plus le répertoire sur un prochain disque? «Bien sûr, répond Fraser. Avoir Natalie pour faire ce voyage est un grand privilège. Elle écoute toujours de la nouvelle musique et elle veut l’inclure. » LA GRANDE RENCONTRE À la Maison de la culture Ahuntsic-Cartiervil­le du 14 au 17 septembre. Alasdair Fraser et Natalie Haas à la Grande Rencontre: ce vendredi 15 septembre à 19 h et ce samedi 16 septembre à 20 h avec le Vent du Nord et The Lonesome Ace Stringband. À suivre également : les ateliers de violon et de violoncell­e.

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