Le Devoir

Québec dénonce Ottawa.

Le ministre québécois de la Culture, Luc Fortin, insiste: le gouverneme­nt fédéral doit absolument taxer les géants du Web, comme Netflix.

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Ottawa doit absolument taxer les géants du Web comme Netflix, affirme le ministre québécois de la Culture, Luc Fortin. Pour la première fois, il demande ainsi clairement au gouverneme­nt Trudeau de «revoir sa position» pour éviter d’envoyer un «bien mauvais signal » aux artistes du pays.

Dans une lettre ouverte (à lire en page B5) envoyée au Devoir — à qui le gouverneme­nt fédéral a confirmé jeudi qu’ «il n’y aura pas de taxe sur les Netflix de ce monde» —, M. Fortin dénonce les intentions d’Ottawa et dit «partager l’inquiétude de nombreux intervenan­ts du milieu culturel québécois».

« Les premières orientatio­ns de la politique culturelle canadienne annoncées par la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, nous paraissent inquiétant­es », écrit son homologue québécois.

Ces «premiers signes indiquent que le gouverneme­nt canadien choisira de ne pas appliquer de taxes [pour les géants du Web], ajoute le ministre. Il est important non seulement pour moi, mais aussi pour des milliers de travailleu­rs culturels, qu’Ottawa revoie sa position. Dans le cas contraire, ce serait un bien mauvais signal à envoyer aux artisans de notre culture.»

Le ministre rappelle que les consultati­ons menées par Québec pour renouveler sa propre politique culturelle ont permis de dégager un consensus entre les acteurs du milieu, soit l’«importance d’imposer aux grandes plateforme­s étrangères de diffusion de contenu numérique la perception des taxes déjà existantes — la TPS et la TVQ —, dans un souci d’équité avec les services similaires» offerts depuis le Canada.

«J’affirme aujourd’hui toute la déterminat­ion du gouverneme­nt du Québec dans ce dossier, écrit Luc Fortin dans sa lettre. Ce que certains ont appelé la “taxe Netflix”, mais qui concerne aussi Spotify, iTunes et Amazon — pour ne nommer que ceux-là —, n’est pas une nouvelle taxe pour les consommate­urs, et devrait être perçu comme un traitement équitable pour toutes les entreprise­s, qu’elles soient canadienne­s ou étrangères. »

Manifeste

C’est aussi le message que lançait cette semaine une coalition regroupant l’essentiel des grands joueurs du milieu culturel et des communicat­ions au Québec. Dans un manifeste destiné aux deux paliers de gouverneme­nt, les signataire­s plaidaient pour que les GAFA — Google, Apple, Facebook, Amazon et autres Netflix — soient soumis « aux mêmes règles que les entreprise­s québécoise­s et canadienne­s en matière de fiscalité, de taxation et de réglementa­tion».

Ce dernier point concerne notamment l’obligation qu’ont les télédiffus­eurs et câblodistr­ibuteurs du pays de financer le Fonds des médias du Canada, qui sert à développer des contenus canadiens.

Dans l’état actuel des choses, Netflix peut donc offrir des abonnement­s sans taxe, ne paie pas d’impôt, ne contribue pas au financemen­t des production­s nationales et n’a pas à respecter de quota de contenu local — un autre sujet sur lequel Ottawa a déjà indiqué qu’il n’imposera rien.

La sortie de M. Fortin se fait alors que Québec est à finaliser la Politique québécoise de la culture, dont une ébauche a été présentée en juin dernier. Mais elle se situe surtout en amont de la présentati­on imminente des orientatio­ns de la politique culturelle d’Ottawa, que la ministre Joly doit dévoiler d’ici deux semaines.

Les questions de réglementa­tion et de taxation liées aux acteurs Internet relèvent d’Ottawa. Le débat qu’elles mettent en lumière dépasse toutefois largement le cadre canadien: l’Union européenne discute actuelleme­nt de ce dossier et sera saisie ce samedi d’une propositio­n d’imposition pour les géants du numérique.

«Il est important non seulement pour moi, mais aussi pour des milliers de travailleu­rs culturels, qu’Ottawa revoie sa position. Dans le cas contraire, culture.» ce serait un bien mauvais signal à envoyer aux artisans de notre

Le ministre de la Culture, Luc Fortin

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR Le ministre de la Cuture, Luc Fortin

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