Le Devoir

Une menace sérieuse

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La réponse offerte par le gouverneme­nt Couillard à la crise des opioïdes est bien timide. Québec tarde à prendre conscience de l’ampleur de ce drame, alors que Santé Canada vient tout juste de revoir à la hausse le nombre de décès causés par les opioïdes. Huit Canadiens sont morts chaque jour en 2016, et le bilan de l’année en cours frôlera les 3000 morts. Au Québec, où les autorités sont incapables de fournir des statistiqu­es actualisée­s, 140 personnes sont mortes en 2016. Depuis l’an 2000, le Québec recense 2559 décès par surdose d’opioïdes. Ici aussi, le fentanyl se répand.

L’été qui s’achève n’a guère été reluisant. Les cas anecdotiqu­es de surdoses mortelles s’accumulent, notamment au centre-ville de Montréal, avec 12 morts en deux semaines en août, forçant le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) à démanteler d’urgence des réseaux de petits trafiquant­s de drogue. Ces interventi­ons policières, nécessaire­s dans un climat d’urgence, sont l’équivalent d’un diachylon sur une plaie sociale. L’accumulati­on des cas de surdose démontre bien que nous avons quitté le registre du fait divers pour entrer dans celui du fait de société dans sa manifestat­ion la plus inquiétant­e.

L’Agence de la santé publique du Canada, l’Institut de recherche en santé du Canada, l’Institut canadien d’informatio­n sur la santé, pour ne nommer que ces organisati­ons, considèren­t tous que nous traversons une crise nationale des opioïdes.

Bien sûr, il existe de grandes disparités à l’échelle du Canada. La réalité du centre-ville de Montréal n’est pas celle de l’est de Vancouver. Il n’en demeure pas moins que le marché de la drogue ne connaît pas les frontières, et que des population­s à risque (des hommes en situation de précarité pour la plupart) sont aussi présentes dans la métropole que dans les autres villes du pays.

Le Québec a fait un premier pas en décidant d’offrir gratuiteme­nt dans les pharmacies, et pour tous, la nalaxone (un antidote en cas de surdose). Mais ce n’est pas suffisant. Sur le front criminel, les policiers de la Gendarmeri­e royale du Canada, de la Sûreté du Québec et du SPVM doivent unir leurs forces au sein d’une escouade spéciale, comme dans la lutte contre le crime organisé, afin de réduire le débit du robinet de l’offre illicite.

Sur le front de la santé, les médecins doivent faire leur examen de conscience et revoir leurs méthodes de prescripti­on des narcotique­s. Le registre de prescripti­ons, réclamé par le Collège des médecins, doit devenir une réalité permanente. L’enquête épidémiolo­gique qui sera menée par le Collège ne suffira pas à instaurer le «changement de culture» souhaité par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette. Sur le front politique, le gouverneme­nt Couillard doit agir comme chef d’orchestre, en se dotant d’une stratégie nationale et en coordonnan­t les actions qui resteront autrement éparpillée­s.

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BRIAN MYLES

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