La solution pour enrayer le texto au volant ?
Roadbudee veut sauver des vies en forçant les conducteurs à garder les yeux sur la route
Le Québec regorge d’entrepreneurs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnaires, dont les ambitions pourraient transformer votre quotidien. Aujourd’hui, un inventeur d’origine haïtienne qui veut vous forcer à garder les deux yeux sur la route.
Du plus loin qu’il se rappelle, Patrick Dubois a toujours été un « patenteux ». Enfant, il a tenté de mettre au point sa propre brosse à dents électrique. Adolescent, il a fabriqué un système d’alarme pour son casier et un démarreur à distance pouvant être actionné avec son téléphone cellulaire. Et aujourd’hui, il espère que sa toute dernière invention pourra sauver des vies.
Au fil des ans, Patrick a touché à tout: la communication, le marketing, la vente. Puis, en 2008, sa vie a pris un virage inattendu: la voiture dans
laquelle se trouvait sa femme enceinte a été violemment emboutie par un autre véhicule qui n’a jamais appliqué les freins. Son conducteur, sous le choc, a admis qu’il textait au volant.
La mère et l’enfant sont sortis indemnes de l’accident, mais le père n’a pas voulu en rester là. Ce jour-là, Patrick Dubois a décidé de créer un système qui permettra, espère-t-il, de lutter efficacement contre l’utilisation illégale du cellulaire au volant.
Comme pour l’alcool
La preuve des dangers de l’usage du cellulaire au volant, qui est interdit au Québec depuis 2008, n’est plus à faire. Selon une étude américaine, les conducteurs qui textent sont 23 fois plus susceptibles d’être impliqués dans une collision ou une quasi-collision que ceux qui s’en abstiennent.
Fouetté par l’accident de sa femme et par l’ampleur du problème, Patrick a mis au point Roadbudee, un dispositif qui empêche les conducteurs de texter derrière le volant.
Le système fonctionne de la même manière qu’un antidémarreur éthylométrique, que doivent utiliser les personnes reconnues coupables d’avoir conduit en état d’ébriété. Lorsque Roadbudee est installé sur votre voiture, vous devez absolument brancher votre téléphone pour pouvoir la démarrer. Sur la route, vous
pouvez seulement répondre à des appels avec un système Bluetooth et avoir accès à la navigation. Pour chaque message texte entrant, l’application envoie une réponse automatisée indiquant que vous êtes au volant.
Certaines applications permettent déjà de bloquer la réception et l’envoi de messages textes en conduisant, mais Patrick est persuadé que seul un système comme le sien peut être véritablement efficace.
Viser les compagnies
Lancée officiellement en 2016, l’entreprise Roadbudee s’attaque à un marché assez particulier. «On ne se le cachera pas, c’est punitif. Qui a envie d’acheter un produit qui impose une limite?» reconnaît Patrick.
Jusqu’à maintenant, l’entrepreneur soutient avoir vendu près de 500 dispositifs à des particuliers, qui devraient être livrés cet automne. Si la compagnie veut croître, elle devra cependant se tourner vers les compagnies. Patrick souhaite par exemple que les assureurs offrent des
rabais aux clients qui utilisent le dispositif et que les entreprises ajoutent Roadbudee à leur flotte de véhicules.
L’entrepreneur dit être en discussion avec les deux plus importantes compagnies d’assurance au Québec et avec plusieurs autres entreprises, mais il doit encore leur démontrer que son produit fonctionne comme prévu.
Confiance et doutes
Patrick Dubois ne manque pas de confiance. Il affirme sans broncher que, d’ici 10 ans, son entreprise pourrait valoir 500 millions, ou même 1 milliard de dollars.
En apparence, rien ne semble ébranler cet entrepreneur sûr de lui. Il avoue cependant qu’il a déjà pensé tout abandonner, au moment où le développement technologique nécessitait toujours plus d’investissements.
Il estime qu’il a mis près de 150 000 $ de son argent personnel dans cette aventure et il n’a pas l’intention de reculer. «I’m all in.»
Voir aussi › L’entrevue de Patrick Dubois sur toutes les plateformes numériques du Devoir.