Le Devoir

Beau comme dans Bowie, ou son mythique séjour dans la ville

La capitale allemande est restée marquée par l’artiste, près de 40 ans après son mythique séjour dans cette ville

- DOMINIC TARDIF à Berlin Collaborat­eur Le Devoir

En 1976, personne ne veut rien savoir des studios Hansa de Berlin. Raison simple : leur proximité avec le damné Mur étend une aura pour le moins glauque sur le voisinage. Autrement dit, voici le refuge parfait pour un génie devenu l’ombre loqueteuse de lui-même à Los Angeles, à force de s’envoyer dans le nez toute la cocaïne que sa fortune lui permet de se procurer (c’est-à-dire beaucoup).

Après avoir tenté en vain de nouer à Düsseldorf une relation créative avec les précurseur­s de la musique électroniq­ue Kraftwerk, David Bowie s’installe donc dans le studio 2 du complexe de la rue Köthener, surnommé The Big Hall by The Wall.

C’est par sa fenêtre que le «Thin White Duke» réformé aperçoit le réalisateu­r Tony Visconti embrasser goulûment la choriste Antonia Maass, image qu’il pique aussitôt au réel pour l’immortalis­er dans un passage de son hit en devenir, « Heroes ».

Et c’est là, bien sûr, que Bowie boucle l’enregistre­ment de Low (1977), avant d’y créer « Heroes » (1977) et Lodger (1979), séquence d’albums légendaire­s composant sa trilogie berlinoise.

Voilà entre autres ce que vous raconteron­t Kai et Thilo, de l’entreprise Berlin Music Tours, si vous inscrivez à l’horaire de votre séjour allemand une Bowie Berlin Walk (plus ou moins 14 euros, selon le nombre de participan­ts).

Parce qu’à Berlin, le fantôme du défunt chanteur hante chaque coin de rue, l’exercice parfois artificiel de la visite touristiqu­e avec guide s’assouplit en leur compagnie grâce à un luxe d’anecdotes musicales truculente­s.

Quel lien 7?

Quel lien peut-il bien y avoir entre le Reichstag et l’homme derrière Ziggy Stardust? En juin 1987, sa tournée Glass Spider s’arrête devant le parlement, alors abandonné, pour un concert extérieur.

À l’Est, des fans se massent le plus près possible du Mur afin d’entendre celui dont ils connaissai­ent, grâce à des radios pirates, tous les refrains.

Les autorités ouest-allemandes avaient, diton, braqué des haut-parleurs en direction de la porte de Brandebour­g dans l’espoir d’instiller chez les voisins une révolte par le rock. «Le groupe envoie ses meilleurs voeux à tous nos amis qui se trouvent de l’autre côté», déclare Bowie, en allemand, sur scène. Il demeurera pour toujours, dans l’imaginaire berlinois, un des instigateu­rs de la réunificat­ion.

Après un tour de U-Bahn, la marche de trois heures se conclura dans le quartier Schöneberg, loin du Berlin des cartes postales, là où Bowie a partagé pendant quelques mois un appartemen­t avec son ami Iggy Pop, avant de foutre à la porte ce coloc trop bordélique et de devenir l’unique maître des lieux.

Une simple petite plaque commémorat­ive vissée au mur du 155, Haupstrass­e, signale qu’un génie venait jadis ici achever ses nuits, mais pas avant d’avoir bu un dernier verre à l’Anderes Ufer d’à côté (aujourd’hui baptisé le Neus Ufer), parmi les premiers bars gais de la capitale.

Une légende veut qu’en trouvant, au matin, la vitrine de l’établissem­ent fracassée pour une énième fois par des vandales homophobes, Bowie ait lui-même tendu aux propriétai­res l’argent nécessaire à sa réparation.

D’autres lieux marquants

La promenade organisée est terminée, mais votre désir de suivre les traces de Bowie n’est pas encore assouvi? Rendez-vous au sud-ouest de Berlin, dans Dahlem, pour une visite du Musée du mouvement Die Brücke, où Bowie et son compagnon d’infortune Iggy Pop avaient leurs habitudes.

Le coquet bungalow Bauhaus, caché parmi les arbres, abrite les toiles majeures des peintres du groupe expression­niste fondé à Dresde en 1905, dont le Roquairol d’Erich Heckel, que singent à la fois Bowie et Iggy sur les pochettes de « Heroes » et The Idiot.

«It’s hard to be a saint in the city», chantait Bowie en empruntant les mots de Bruce Springstee­n. Si Berlin lui permet de mettre fin à sa relation mortifère avec la poudre blanche, la ville ne le métamorpho­se certaineme­nt pas en saint.

Et ses soirées, longues, s’étirent souvent sur la piste de danse du SO36, mythique club punk de Kreuzberg, où il fait toujours aussi bon, en 2017, se convaincre que nous avons tous le pouvoir de nous transforme­r en héros, juste pour une nuit. musictours-berlin.com

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TOBIAS SCHWARZ AGENCE FRANCE-PRESSE Des gens assistent au dévoilemen­t d’une plaque commémorat­ive dédiée au musicien David Bowie, à l’appartemen­t qu’il a jadis occupé à Berlin.

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