La lutte des classes selon Philippe Meilleur
Maître Glockenspiel est un premier roman bédéesque et absurde saupoudré de critique sociale homéopathique
Les lauréats du prix RobertCliche se suivent et ne se ressemblent pas.
Créé en 1979 pour récompenser l’auteur d’un premier roman, le Robert-Cliche est un prix littéraire aujourd’hui bien doté (10 000$), mais dont la valeur est minée depuis déjà un certain temps. Et la crédibilité littéraire semble avoir déserté pour de bon ce prix «maison», longtemps attribué par un jury formé d’écrivains, mais désormais attribué par un trio vague de « personnalités du monde littéraire». Souvent critiqué, il semble n’être aujourd’hui devenu qu’une forme maquillée de marketing du livre.
Lauréat 2017 avec Maître Glockenspiel, Philippe Meilleur, journaliste pupitreur au quotidien La Presse, a créé, entre la fable dystopique et l’absurde, une sorte d’univers totalitaire dans lequel l’or des apparences, là aussi, semble régner sur une réalité sans éclat.
«Le plus riche des aristocrates, le plus fin des gastronomes, le plus puissant des collectionneurs d’armes atomiques», Maître Glockenspiel règne sur ce royaume pseudo-démocratique en guerre perpétuelle contre ses voisins. Inquiet du ralentissement de l’économie, l’empereur veut la stimuler en encourageant la surconsommation au sein de la classe ouvrière.
Dans cet univers éclaté à la Boris Vian, les décisions collectives sont prises au moyen de combats de lutte — forcément arrangés. On peut s’y acheter une personnalité ou se doter d’un guide d’opinions préfabriquées. Dans le palais impérial pousse un arbre à argent et coule un ruisseau de platine liquide. L’empereur y est amoureux d’une sirène domestiquée.
Tyler, ouvrier à la sueur de son front, est un peu las de son existence aussi morne que prévisible. « Il passait les huit heures suivantes à se faire presser par un puissant mécanisme hydraulique qui extrayait de son corps des litres de sueur. La précieuse écume était ensuite envoyée aux artisans, qui la transformaient en briques, en pièces ou en liquide… » Dans un sursaut inédit de révolte, Tyler va fuir l’usine et se recycler en lutteur politique professionnel, instrument du pouvoir, tandis que grondent des rumeurs de rébellion.
Entre les oracles et les révolutions de palais, la lutte des classes et la culture des brassicacées, le roman bédéesque de Philippe Meilleur vibre d’un humour léger et inventif qui commande de laisser sa raison au vestiaire. Saupoudré de critique sociale homéopathique, Maître Glockenspiel contient aussi un lot d’images douteuses («la carapace argentée de l’arme apocalyptique était aussi brûlante qu’une étoile »). Un divertissement vite oublié. MAÎTRE GLOCKENSPIEL
1/2 Philippe Meilleur Vlb éditeur Montréal, 2017, 176 pages