La perte d’expertise menace la fonction publique
Les restrictions budgétaires mènent à une perte d’expertise fortement dommageable, déplore le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ). Une situation vivement dénoncée par leur président, Richard Perron.
«Le cancer du recours abusif aux contrats de soustraitance est généralisé dans l’appareil gouvernemental»,
lance M. Perron. Du même souffle, il ajoute que les conséquences sont dommageables autant pour les professionnels qu’il représente que pour le contribuable québécois. «Au bout du compte, c’est la population qui se fait flouer», dénoncet-il, affirmant que Québec ne se donne pas les moyens de reprendre le contrôle du dérapage des comptes publics. «On dirait que le gouvernement tente de faire croire à la population que tout va bien, alors que nos membres constatent une très grande dégradation de la qualité de l’expertise que l’on peut offrir», affirme-t-il.
Un problème généralisé
Accélérer les efforts d’accroissement de l’expertise interne au ministère des Transports du Québec était l’une des 60 recommandations issues de la commission Charbonneau. Tout comme le fait de permettre à tous les donneurs d’ouvrage publics de consolider leur expertise interne en construction. « Même après la commission Charbonneau, les gens continuent à déplorer le manque d’expertise et le manque de transparence », détaille le président du SPGQ. Pour lui, le gouvernement québécois ne cherche pas à corriger la situation. «Si nous n’avons pas assez d’expertise, on se fait flouer par les sous-traitants privés sur lesquels l’État n’a aucun contrôle, et ils en profitent», développe M. Perron, illustrant ses propos avec de multiples situations récentes, à l’instar du «bordel informatique». «Le premier ministre ne fait toujours rien pour corriger les dérapages et les gaspillages de puits sans fond que sont les projets informatiques au gouvernement du Québec », s’insurge-t-il. De même, l’Immigration n’a pas été épargnée par les coupes budgétaires, où des postes ont été supprimés et des bureaux fermés. Le ministère confie depuis quelques années à des organismes communautaires des fonctions de francisations et d’intégration des immigrants. «On se retrouve avec un ministère qui n’est pas capable de remplir sa mission, au dire même des organismes communautaires à qui on donne la responsabilité de faire le travail qui devrait être fait par le ministère,
lance M. Perron. Le gouvernement disait vouloir poser ces gestes pour atteindre des cibles d’intégration des immigrants et de francisation, mais les données montrent que les cibles ne sont pas du tout atteintes et que c’est pire qu’avant. » Il mentionne un autre secteur touché, celui du ministère de la Sécurité publique. «Quand il y a eu la crise du verglas, le ministère a fait une étude interne qui disait qu’il devait y avoir au moins 70 employés à temps complet à la direction des opérations, et on avait constaté en 2013 qu’ils n’étaient que 47, raconte M. Perron. Depuis, rien n’a été fait et quand j’ai revérifié l’état de la situation pendant la crise des inondations, ils étaient rendus à 37. » Il se dit particulièrement inquiet de voir que le gouvernement semble jouer avec la sécurité de la population québécoise.
Dépasser le statu quo
«Il faut s’attaquer au phénomène de façon globale, pour l’ensemble de l’expertise au gouvernement du Québec et non pas seulement réagir à des scandales qui font la une, pense
M. Perron. Sur le terrain, il y a encore cette rigidité, cette prétention de dire que tout va bien, alors que les gestionnaires ne sont pas capables d’embaucher. » Pour le syndicat, une seule vraie solution pourrait régler le problème: le réajustement des salaires aux valeurs courantes. Selon le SPGQ, il existe aujourd’hui un écart salarial d’une moyenne de 23% entre un professionnel du gouvernement du Québec et un professionnel d’une autre administration publique québécoise, comme les municipalités ou les universités. «On ne parle même pas du privé parce que les comparaisons seraient encore plus désavantageuses», glisse-t-il. Le gouvernement affirme vouloir embaucher, mais la rétention s’avère difficile, car dans les faits, les experts se retournent souvent vers le privé pour avoir une rémunération supérieure. Pour M. Perron, il est très urgent que Québec rectifie le tir. «Cela fait en sorte qu’on crée une fonction publique parallèle, qui n’est pas redevable, qui est moins efficace et qui coûte les yeux de la tête», conclut le président du SPGQ.