Éveiller le leader qui sommeille en soi
S’épanouir, se réaliser, se découvrir. Si tous les élèves qui passent chaque année par le collège Citoyen terminaient leur secondaire en ayant atteint ces trois objectifs, la directrice de l’établissement, Myriam Stephens, pourrait dire « mission accompli
«Pour devenir un adulte heureux et fonctionnel dans la société, il faut connaître ses forces et ses faiblesses, affirme Mme Stephens. On ne peut pas bien se présenter pour obtenir un stage ou un travail si on n’a pas en tête ses rêves et ses ambitions. Petit à petit, l’école a oublié cette dimension. Les élèves d’aujourd’hui ont sans doute plus de connaissances que les générations précédentes, ils sont mieux informés. Mais ça ne fait pas d’eux des gens plus compétents s’ils n’ont pas conscience de leurs propres limites et qu’ils n’ont pas cherché à les dépasser.»
La méthode du collège Citoyen? La mise en place d’un parcours pédagogique intégré de leadership entrepreneurial responsable. Pas un programme spécifique, souligne la directrice, mais bien un parcours. Ce qui signifie que le collège suit à la lettre le programme d’éducation québécois mais que chaque classe fonctionne comme une «micro-entreprise démocratique ».
«Le travail collaboratif tient une grande place en classe, explique Mme Stephens. Je n’ai pas dit travail d’équipe, mais bien travail collaboratif. Ainsi, chacun apporte ses propres connaissances et tout le groupe peut profiter des forces de chaque individu. Dès la 1re secondaire, les élèves doivent
faire une simulation de projet tout au long de l’année. Ils ont également des défis à relever, qui leur permettent de mettre en pratique leurs acquis. »
Durant l’hiver, un camp de survie en forêt est par exemple organisé. Les élèves doivent puiser dans leurs connaissances pour fabriquer un abri, faire du feu, etc. Ils sont mis devant diverses situations et, au fur et à mesure, de nouvelles contraintes sur viennent.
« L’objectif de ces défis est de leur faire comprendre à quoi servent les connaissances qu’ils acquièrent, explique Myriam
Stephens. Ils font des mathématiques, de la physique, apprennent à bien s’exprimer et écrire en français, apprennent d’autres langues… nous croyons que, s’ils savent pourquoi ils apprennent tout ça, leur scolarité n’en sera que plus motivante. »
Motivant également, le fait d’avoir un impact réel sur la société par l’intermédiaire de projets concrets les obligeant à faire preuve d’innovation. Qu’il s’agisse de partir aider une communauté locale en Tanzanie ou de recycler leurs uniformes dans le cadre d’une friperie, chaque année, les cohortes doivent apporter de nouvelles idées.
«Prenons le cas de la friperie. Il ne s’agit pas de se dire “je m’en viens travailler à la friperie”, raconte la directrice. Mais bien d’imaginer de nouveaux besoins et d’y répondre. Ils récupèrent les uniformes, remettent les pièces en bon état, font l’inventaire, le nettoyage, organisent des boutiques éphémères… L’an dernier par exemple, ils sont allés jusqu’à participer à la conception d’une nouvelle pièce de l’uniforme.»
Des échecs constructifs
Un parcours pédagogique axé également sur l’idée que l’on apprend aussi de ses échecs et que, plus tôt on subit ses premières déceptions, plus il sera facile de s’en remettre à l’âge adulte. «Parce qu’ici, les élèves sont
encadrés, précise Mme Stephens. Ils ne sont pas laissés à eux-mêmes face à leurs échecs. Ils sont capables de trouver des solutions, de prendre un autre chemin. Vivre son premier échec à l’âge adulte lorsque l’on a déjà des obligations, ça peut vite devenir dramatique. Ici, on leur apprend à réagir. »
Tout comme l’établissement a lui aussi dû apprendre à surmonter les multiples obstacles rencontrés sur sa route. Son histoire ne démarre en effet pas en 2015 lors de son installation dans l’ouest de Laval, mais bien en 1876, lorsque, sous le nom de collège Laurier, il s’installe sur le Plateau Mont-Royal, à Montréal.
«Nous existons depuis très longtemps et nous descendons d’une tradition d’éducation religieuse très humaine, humaniste, ouverte sur les autres, rappelle
la directrice. Nous avons subi de nombreuses transformations, en devenant une institution laïque par exemple. Mais nous avons gardé cette ouverture, cette capacité à accueillir des élèves différents et à réinventer la pédagogie.»
La dernière grande transformation intervient en 2013 lorsque la commission scolaire English-Montréal, propriétaire de l’immeuble dans lequel le collège est installé depuis une dizaine d’années, décide de récupérer son bien.
À l’époque, la démographie est en baisse à Montréal et l’ex-collège Laurier prend la décision de changer de territoire pour s’installer dans l’ouest de Laval. La ville dispose déjà de deux écoles secondaires privées mais pas dans cette partie de l’île. Dans le même temps, la direction décide de prendre ce virage entrepreneurial qui fait aujourd’hui toute sa particularité et qui attire des élèves dans une zone allant au-delà de son territoire de prédilection.
«Les parents qui mettent leurs enfants dans le privé recherchent souvent un meilleur encadrement que dans le public, souligne Myriam Stephens. Mais ils sont également sensibles à l’offre pédagogique renouvelée. Nous avons des élèves du quartier, mais aussi des demandes en provenance
du nord de Montréal et de la Rive-Nord. »
Une demande en hausse qui fait en sorte que des travaux d’agrandissement ont déjà démarré afin d’accueillir plus d’élèves dès la rentrée prochaine. Le collège Citoyen compte aujourd’hui quatre classes par niveau et pourrait monter rapidement à six. Tout en ne dépassant pas 800 élèves, prévient cependant la directrice.
« Nous ne souhaitons pas grandir à l’excès, explique-telle. Si nous voulons offrir un service distinctif tout en maintenant la qualité, nous devons rester à échelle humaine. Avec trop d’élèves, nous ne serons plus en mesure de fournir.»