À l’ONU, Trump menace de détruire la Corée du Nord
Les présidents se suivent et ne se ressemblent pas à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. La différence fondamentale sautait aux yeux et aux oreilles mardi alors que, coup sur coup, en deux heures, se sont succédé Donald Trump et Emmanuel Macron pour leurs premiers grands oraux onusiens.
Le président américain a rompu avec la tradition de l’institution en s’en prenant ouvertement à d’autres pays membres. Il a menacé la Corée du Nord de destruction totale et a attaqué frontalement l’Iran et le Venezuela.
Le président français a livré un plaidoyer contrastant sur les vertus de la collaboration mondiale et les avantages du multilatéralisme. Et si le leader étasunien n’a reçu qu’un accueil poli, le jeune élu européen a été chaudement applaudi à plusieurs reprises par les centaines de délégués, chefs d’État et de gouvernement de la planète.
«La poursuite imprudente par la Corée du Nord de son programme nucléaire et balistique menace le monde entier et pourrait causer des pertes humaines incommensurables, a dit Donald Trump. Aucune nation sur terre n’a intérêt à ce que cette bande de criminels se dote d’armes nucléaires et de missiles. Les États-Unis ont une grande force et une grande patience. Mais si nous sommes contraints à nous défendre ou à défendre nos alliés, nous n’aurons d’autre choix que de détruire totalement la Corée du Nord. […] Les États-Unis sont prêts, volontaires, et capables.»
Donald Trump a de nouveau qualifié le jeune leader nord-coréen de «rocket man». Il a commencé à utiliser ce sobriquet pour désigner Kim Jong-un sur Twitter la semaine dernière.
«À ma connaissance, une menace aussi directe n’est jamais arrivée à l’ONU», commente le professeur Philippe Fournier, professeur de
sciences politiques de l’UdeM, spécialiste des relations internationales. « Fidèle à son habitude, Donald Trump n’adopte pas le bon ton pour l’occasion. Il se retrouve dans un des hauts lieux de la diplomatie mondiale et il fait de l’antidiplomatie. Il est très menaçant et ce n’est pas du tout de mise dans un tel contexte.»
Le président Trump a en plus indiqué que l’accord sur le programme nucléaire iranien était une « honte ». Et il s’est dit prêt à voter de nouvelles sanctions contre le gouvernement vénézuélien, qualifié de « dictature socialiste ».
Son Amérique à lui
Le professeur Fournier parle alors d’un propos «assez agressif, noir et belliqueux». Il rappelle que, «normalement, un discours à l’ONU n’est pas l’occasion de jeter le blâme sur tout le monde, mais plutôt d’adopter un ton rassembleur, en insistant sur la coopération, sur le bien-fondé et la légitimité d’une institution comme celle-là».
Le politologue fait également remarquer que la livraison trumpienne se concentrait sur les États-Unis et leur seul intérêt national. «Il a encore martelé son programme de l’Amérique d’abord. M. Trump a envoyé une flèche à ses prédécesseurs, notamment aux néoconservateurs autour de George W. Bush, qui voulaient exporter la démocratie. Il vient d’une autre variante conservatrice, plus nationaliste, plus isolationniste. »
Le président des États-Unis a poussé cette perspective en la généralisant, lançant un appel au patriotisme dans tous les pays. Le spécialiste note que son rédacteur de discours, Steven Miller, est tout à fait aligné sur cette vision idéologique.
«Ce n’est pas du tout l’endroit pour développer ce genre de propos, dit le spécialiste. On ne s’attend pas à ce qu’un pays membre vienne dire que le patriotisme est une valeur cardinale et universelle au-delà des principes défendus à l’ONU. Je me rappelle un discours rassembleur de Barack Obama en 2012 où il disait au contraire que les États-Unis partageaient les valeurs énoncées dans la charte des Nations unies.»
L’anti-Trump
Là encore, l’opposition Trump/Macron n’en devient que plus évidente. Le président français a parlé avec lyrisme et impétuosité de l’Organisation des Nations unies, décrite comme vitale pour « défendre les voix oubliées » et pour « protéger les biens communs de la société des hommes ».
Il a affiché des positions contraires à celles de son puissant homologue sur tous les dossiers chauds de l’heure planétaire. L’anti-Trump a franchement pris le contre-pied des positions trumpiennes. Il a répété qu’il ne faut pas reculer devant la lutte contre les changements climatiques, allant jusqu’à souhaiter le retour des États-Unis comme signataire des accords de Paris de 2015 sur le sujet. L’actuel gouvernement a renié la signature des États-Unis.
M. Macron a appelé les pays du monde à s’unir pour mener «un combat militaire mais aussi politique, éducatif, culturel et moral » contre le terrorisme. Il a également annoncé qu’il entendait protéger l’accord sur le nucléaire signé avec l’Iran par les États-Unis, mais aussi par la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Il a finalement dénigré les poussées d’escalade dans le dossier brûlant de la Corée du Nord. La France, comme beaucoup d’autres puissances, favorise un recours aux négociations plutôt qu’aux menaces.
«Résilier l’entente avec l’Iran pourrait créer une situation encore plus dangereuse que la situation avec la Corée du Nord, dit le professeur Fournier, interviewé avant le discours de M. Macron. Il y a énormément d’intérêts géostratégiques en jeu et énormément de tensions dans cette région déjà très fragile. […] Le potentiel d’une escalade semble très dangereux dans le cas de l’Iran.»