Le Devoir

Des murs et des armes.

- L’éditorial de Guy Taillefer.

Qu’on se le dise, Donald Trump défend le «peuple» et, partant, le principe que les gouverneme­nts partout dans le monde n’ont pas d’autre responsabi­lité que de servir au mieux les intérêts de leurs seuls citoyens, à l’exclusion de toute autre considérat­ion. De cela, tout procède. Voilà pourquoi l’immigratio­n, à moins d’être très étroitemen­t contrôlée, est par essence un problème qu’il faut endiguer et une affaire dont il faut se méfier. Et si la Corée du Nord mériterait, dans le pire des scénarios, d’être «détruite complèteme­nt», comme l’a si bien dit le président américain, ce n’est pas seulement parce que Kim Jong-un, possédant l’arme nucléaire, est une menace pour les autres nations, mais bien parce qu’il l’est aussi pour son propre peuple. Fine analyse.

La grand-messe annuelle des Nations unies s’est ouverte mardi matin dans une atmosphère déprimante en présence de 130 chefs d’État et de gouverneme­nt.

Après le président brésilien Michel Temer, sur lequel plane toute une série d’enquêtes de corruption, M. Trump a prononcé un discours manichéen et militarist­e, truffé de raccourcis et de contradict­ions, dans lequel il a présenté une conception du monde fondée sur le chacun pour soi et l’usage de la force — une conception très peu onusienne, en somme. Il a cru se trouver intéressan­t en défendant des valeurs de patriotism­e et en plaidant pour la rénovation du «principe de souveraine­té nationale» — comme si ce principe était battu en brèche! Le multilatér­alisme, d’accord, mais pas si cela remet en cause sa politique d’«America First », bien entendu…

L’accueil de l’assemblée a été poli, même froid. M. Trump ne fait pas l’unanimité, heureuseme­nt. Le secrétaire général, Antonio Guterres, ne s’est pas privé de le signaler en affirmant que «la confiance entre les pays est minée par ceux qui diabolisen­t et divisent». Emmanuel Macron n’a pas mâché ses mots non plus. Justin Trudeau prendra la parole jeudi à l’ONU. Qu’il mette des gants, soit, mais qu’il n’hésite pas à dire que l’avenir du monde ne passe pas par cette apologie de l’enfermemen­t et de l’intimidati­on.

Sur la Corée du Nord, Trump a continué d’exiger de Pyongyang qu’il renonce à l’arme nucléaire, alors qu’il est devenu évident qu’il n’y renoncera pas et qu’il est urgent d’ouvrir un dialogue. Il a tour à tour dénoncé l’Iran, Cuba et le Venezuela, tous «États voyous», tout en encensant sans hésiter l’Arabie saoudite pour sa contributi­on à la lutte antiterror­iste. Pas un traître mot, dans ce discours intellectu­ellement boiteux, sur le réchauffem­ent climatique, un enjeu qui présente pourtant un horizon au moins aussi dystopique que le risque de déflagrati­on nucléaire. Preuve que ce climatosce­ptique ne défend pas plus les intérêts du peuple américain que Kim Jong-un ceux du sien.

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GUY TAILLEFER

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