Le Devoir

La vente de la marijuana ne passe pas par les sociétés d’État, dit Couche-Tard

- JULIEN ARSENAULT à Laval

Souhaitant toujours que ses dépanneurs puissent vendre de la marijuana, le cofondateu­r et président exécutif du conseil d’Alimentati­on Couche-Tard, Alain Bouchard, estime que les gouverneme­nts provinciau­x ne devraient pas s’immiscer dans le commerce de ce produit.

«Je pense que c’est un retour en arrière lorsqu’on se tourne vers des sociétés d’État pour vendre un produit que l’on a décidé de légaliser », a lancé l’homme d’affaires au cours d’un entretien avec La Presse canadienne, mardi, en marge de l’assemblée annuelle de la multinatio­nale, qui se déroulait dans un hôtel lavallois.

Alors que les orientatio­ns du gouverneme­nt Couillard sont toujours attendues dans ce dossier, M. Bouchard continue d’espérer que le réseau de l’exploitant de dépanneurs et de stations-service sera mis à contributi­on quand Ottawa légalisera l’usage récréatif de la marijuana, l’été prochain. Couche-Tard avait même retenu les services d’une lobbyiste afin de se faire entendre auprès de Québec dans ce dossier.

«Là, on ne veut même pas nous parler, alors je trouve que c’est dommage, a affirmé M. Bouchard. Nous avons la capacité de vendre ce produit tout en répondant aux exigences gouverneme­ntales. Nous pouvons former nos travailleu­rs et vérifier l’identité de tous les consommate­urs, peu importe leur âge.» L’homme d’affaires a rappelé que les employés des dépanneurs de l’entreprise offraient déjà des billets de loterie, de la bière ainsi que du tabac.

M. Bouchard n’a jamais été un partisan des incursions gouverneme­ntales dans le secteur du commerce de détail, critiquant à plus d’une reprise

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Nous pouvons former nos travailleu­rs et vérifier l’identité de tous » les consommate­urs, peu importe leur âge Alain Bouchard, cofondateu­r et président exécutif du conseil d’Alimentati­on Couche-Tard

dans le passé le monopole de la Société des alcools du Québec. Pourtant, il semble que, pour le moment, certaines provinces tiennent à être impliquées dans la gestion entourant la vente du cannabis. En Ontario, jusqu’à 150 magasins, gérés par le gouverneme­nt, pourraient vendre de la marijuana. Ces points de vente seront supervisés par la LCBO, la Régie des alcools de l’Ontario. Au Nouveau-Brunswick, une société de la Couronne du gouverneme­nt provincial sera également créée pour superviser la vente du cannabis.

Une perte de contrôle?

Par ailleurs, lorsque questionné par un actionnair­e, M. Bouchard s’est montré beaucoup moins optimiste quant à la possibilit­é d’assurer le maintien des actions à droits de vote multiples de Couche-Tard après 2021. En vertu d’une clause crépuscula­ire signée en 1995, les titres à 10 votes par action doivent disparaîtr­e une fois que tous les fondateurs de la multinatio­nale auront atteint l’âge de 65 ans. Le plus jeune des quatre, Jacques d’Amours, fêtera son 65e anniversai­re en décembre 2021.

«Les chances que nous perdions le contrôle sont fortes, a concédé M. Bouchard. L’an dernier, j’étais plus confiant, mais certaines choses sont survenues. » Les quatre fondateurs détiennent 76,3% des actions de catégorie A de l’entreprise — dont la valeur boursière oscille aux alentours de 34,5 milliards — ce qui leur permet entre autres de la protéger d’une offre hostile.

En 2015, lors de son rendez-vous annuel, Couche-Tard avait retiré à la dernière minute sa propositio­n visant à abolir la clause crépuscula­ire en raison de l’opposition de certains investisse­urs institutio­nnels. Ceux-ci empêchent toujours la multinatio­nale de récolter les 66% d’appuis nécessaire­s pour maintenir les actions à droits de vote multiples après 2021. « Nous pourrions trouver une façon de retourner devant nos actionnair­es, mais ils auraient une décision à prendre, a dit M. Bouchard, sans fournir plus de détails sur les possibilit­és explorées par l’entreprise. Ça ne sera pas à court terme. C’est une grande déception.»

Dans son discours aux actionnair­es, l’homme d’affaires a affirmé que l’exploitant de dépanneurs et de stations-service était à l’aube de la «quatrième grande transforma­tion» de son histoire. Couche-Tard ambitionne de moderniser ses magasins en investissa­nt dans l’intelligen­ce artificiel­le et la robotique. Au cours du point de presse, le président et chef de la direction, Brian Hannasch, a expliqué que cela permettrai­t notamment à l’entreprise de personnali­ser certaines offres aux consommate­urs en plus de leur of frir diverses solutions de paiement.

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OLIVIER ZUIDA LE DEVOIR Couche-Tard avait retenu les services d’une lobbyiste afin de se faire entendre auprès de Québec dans ce dossier.

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