Le Devoir

Des investisse­urs québécois appuient la réforme Morneau

Le Fonds de solidarité FTQ salue la volonté du gouverneme­nt malgré l’opposition des PME

- KARL RETTINO-PARAZELLI

La réforme fiscale du gouverneme­nt Trudeau, vigoureuse­ment dénoncée par les PME canadienne­s, ne trouve pas que des opposants dans le monde des affaires. Le Fonds de solidarité FTQ, qui soutient près de 2700 entreprise­s québécoise­s, joindra mercredi sa voix à celles de plusieurs investisse­urs et économiste­s québécois pour appuyer l’initiative d’Ottawa dirigée par le ministre des Finances Bill Morneau, a appris Le Devoir.

«Nous souhaitons saluer la volonté du gouverneme­nt fédéral de revoir certains aspects de la fiscalité [des entreprise­s] afin d’en assurer une meilleure équité avec l’ensemble des contribuab­les », indique la déclaratio­n commune qui sera dévoilée ce mercredi, dont obtenu copie.

Elle est notamment signée par le président et chef de la direction du Fonds de solidarité FTQ, Gaétan Morin, le président-directeur général de Fondaction, Léopold Beaulieu, l’homme d’affaires Alexandre Taillefer, l’économiste Jean-Martin Aussant et le directeur général de l’Institut de recherche en économie contempora­ine, Robert Laplante.

Mettre fin aux inégalités

Le Devoir a

Dans leur lettre, les signataire­s admettent que la réduction des impôts des entreprise­s a fait du Canada un des pays les plus compétitif­s sur le plan fiscal pour ces dernières, mais ils ajoutent que «des arrangemen­ts fiscaux peu justifiabl­es et la persistanc­e d’échappatoi­res ont créé une disparité».

«Bien que l’intention initiale derrière plusieurs de ces mesures en place ait été louable, force est de constater que l’utilisatio­n qui en est faite aujourd’hui dans certains cas soulève des questions d’inégalités », écrivent-ils.

Le milieu des affaires peut avoir des «craintes légitimes» et Ottawa pourrait devoir apporter des ajustement­s à sa réforme, soulignent les auteurs du texte, mais l’initiative du gouverneme­nt Trudeau ne doit pas être perçue comme un frein à l’innovation ou à l’entreprene­uriat, ajoutent-ils.

«Chacun doit faire sa part»

Cette sortie publique survient au moment où, en dépit de certaines dissension­s, des groupes représenta­nt des médecins, des avocats et des PME passent à l’offensive pour faire plier le gouverneme­nt Trudeau. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te (FCEI), qui représente plus de 100 000 PME canadienne­s, mène la charge en réclamant l’abandon de la réforme.

Le Fonds FTQ, qui investit annuelleme­nt dans des centaines d’entreprise­s québécoise­s, pourrait-il s’aliéner les compagnies qu’il soutient ?

«Nous sommes à la défense des PME, nous sommes à la défense des entreprene­urs, nous sommes à la défense des gens qui prennent des risques. Mais il ne faut pas oublier qu’on a

650 000 actionnair­es, des gens de la classe moyenne », répond son vice-président aux affaires publiques et corporativ­es, Mario Tremblay, qui priorise la défense de «l’équité et de la justice». «Chacun doit faire sa part», dit-il.

Trois stratégies

Avec sa réforme fiscale, le gouverneme­nt Trudeau veut s’attaquer à trois stratégies de planificat­ion fiscale utilisées par certains propriétai­res d’entreprise: la répartitio­n de leurs revenus avec des membres de leur famille qui ne travaillen­t pas pour l’entreprise afin de payer moins d’impôts; la transposit­ion de leurs revenus d’entreprise en gains en capital, lesquels sont généraleme­nt moins lourdement imposés ; et l’accumulati­on de placements passifs, qui ne servent pas à faire croître l’entreprise, pour les mettre à l’abri du taux d’imposition des particulie­rs.

En annonçant ses couleurs en juillet dernier, le ministre des Finances, Bill Morneau, a enclenché une période de consultati­on de 75 jours, qui prendra fin le 2 octobre.

Les conservate­urs en rajoutent

Après en avoir fait leur cheval de bataille lundi lors de la rentrée parlementa­ire, les conservate­urs sont revenus à la charge mardi en dénonçant de nouveau la réforme fiscale. Le chef conservate­ur, Andrew Scheer, a lancé la campagne «Sauvons les entreprise­s de chez nous» en promettant de s’« opposer jusqu’au bout à l’augmentati­on d’impôts de Justin Trudeau».

«Avec les mesures proposées, il serait plus avantageux pour des agriculteu­rs de vendre leur ferme familiale à de parfaits inconnus plutôt que de structurer une transactio­n pour que leurs enfants puissent devenir propriétai­res, a-t-il fait valoir. La vérité, c’est que Justin Trudeau nuit aux personnes qu’il dit vouloir aider.»

Avant de s’envoler pour New York pour participer à la session de l’Assemblée générale des Nations unies, le premier ministre Trudeau a réitéré que la réforme vise à rendre le système d’imposition canadien plus équitable et à éviter que les contribuab­les les plus riches puissent en profiter injustemen­t.

Il s’est dit ouvert à procéder à des modificati­ons au terme de la période de consultati­on, tout en soulignant que son gouverneme­nt continuera de soutenir les petites entreprise­s et les agriculteu­rs.

 ??  ?? Bill Morneau
Bill Morneau

Newspapers in French

Newspapers from Canada