Montréal sur la carte
Après deux ans de diffusion, Direction Art Mtl doit consolider son financement pour assurer sa pérennité
Quoi voir en un clin d’oeil, et où le voir, c’est le principe qui couve sous la petite carte dépliable qui traîne ici et là en ville. Dans Direction Art Mtl, publiée trois fois l’an et distribuée gratuitement, ce sont pratiquement toutes les expositions de la saison qui sont listées, par diffuseur, par quartier. Sans discrimination, galeries, musées et centres d’artistes s’y trouvent sur un pied d’égalité.
Regrouper le Montréal de l’art contemporain en un projet? Toute la programmation en un seul guide? Ça semble facile, et pourtant la carte Direction Art Mtl, lancée au printemps 2015, est la première à tenir la route. Éloi Desjardins, son concepteur, l’a imaginée, lassé de ne pas retrouver chez lui ce qu’il trouvait ailleurs. À Berlin, notamment.
«Je suis tombé sur Index Berlin. Tu as là les galeries, les musées, les fondations, les nonprofits spaces. Il existe aussi un répertoire plus complet. Làbas, tu as 700 galeries. [Dans Berlin Index], ce ne sont que les galeries d’art contemporain. C’est une curated map», dit l’ancien pilote d’Un show de Mot’Arts, émission des radios universitaires.
«Ça m’a permis de voir de l’art contemporain, enchaîne-til. Pendant trois jours. Ça m’a permis de découvrir la ville, d’aller dans des quartiers que je n’aurais pas pu connaître. »
Dans le quartier turc, il se souvient d’avoir entendu la prière alors qu’il avait été attiré là parce que les artistes y habitent. Choisir un parcours d’art contemporain, c’était aussi s’immiscer dans une ville. «C’est cette idée que j’ai voulu ramener à Montréal», dit-il.
À l’époque, à Montréal, les différents répertoires ne lui donnaient pas l’impression qu’il pouvait mêler art de pointe et vie de quartier. Les touristes avaient accès à un guide, mais il se limitait soit au centre-ville et au VieuxMontréal, soit aux galeries commerciales. L’Association des galeries d’art contemporain (AGAC) a déjà publié sa carte, mais elle n’incluait que ses membres. Le Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec (RCAAQ) a proposé un temps une application mobile, Art Actuel Centre-ville, mais pas aussi rassembleuse. Le projet plus proche de celui auquel Éloi Desjardins rêvait, MTL ART MAP, n’a pas dépassé les sept éditions, publiées entre 2008 et 2010.
Après deux ans et quelques mois, Direction Art Mtl atteint cet automne sa huitième édition, avec quelque 18 000 exemplaires par année. Le projet, tenu à bout de bras et de bénévolat par Éloi Desjardins, semble avoir passé l’étape du test pilote. Si quelques bonnes adresses n’y figurent pas — les deux ou trois maisons de la culture qui comptent, des galeries non membres de l’AGAC et des centres d’exposition —, le panorama semble plutôt vaste, entre la Fondation Molinari à l’est et la galerie Patrick Mikhail à l’ouest.
Assurer la pérennité du projet
«Au début, c’était difficile. J’essayais de vendre une carte qui n’existait pas», assure-t-il. Aujourd’hui, ses « partenaires », ceux qui acceptent de diffuser la carte et dont lui s’engage à diffuser la programmation, sont à ce point nombreux qu’il lui faudra éventuellement être plus sélectif. «On est au stade où la carte a ses limites», dit-il.
Les limites financières du «co ordonnateur-gestionnaireinfo graphe »— et nouvellement père—sont pratiquement atteint es. Jusqu’ici, il s’en est tenu à payer les frais d’impression (1500 $ l’édition), en vendant les espaces réservés à des images, ainsi que deux espaces publicitaires. Il est conscient que le milieu de l’art contemporain ne roule pas sur l’or, mais estime que chacun des partenaires pourrait y contribuer une fois l’an.
«Toutes les images sont vendues, à un tarif assez humble: 100$ par image. On a 45 partenaires. Si chacun paie une fois par année, j’aurai les 4500$ que coûtent les trois éditions », juge Éloi Desjardins.
Son but, maintenant, c’est de rentabiliser la carte en incluant son salaire et les autres dépenses, comme celle d’un site Internet. L’objectif: 2020. Il aimerait vendre jusqu’à 29 espaces pour des images, mais s’attend aussi à un plus grand soutien des diffuseurs indépendants — ceux qui ne sont membres ni de l’AGAC ni du RCAAQ.
«Si personne ne paie, je ne pourrai pas assurer la pérennité du projet», concède Éloi Desjardins.