Scène de famille à l’islandaise
LES ENFANTS D’ADAM Texte: Audur Ava Ólafsdóttir. Mise en scène: Luce Pelletier. Une production du Théâtre de l’Opsis. Au studio Hydro-Québec du Monument-National jusqu’au 8 octobre.
Le Théâtre de l’Opsis amorce la troisième année de son cycle scandinave avec Les enfants d’Adam, une pièce sur la famille ainsi que sur le langage et son impossibilité à nous révéler vraiment aux autres. Drôle d’objet théâtral que ce premier texte dramatique de l’auteur islandaise Audur Ava Ólafsdóttir, dont la mise en scène de Luce Pelletier peine à se saisir efficacement à la fois du ton et de la théâtralité.
Convoquées chez leur mère Élisabeth (Dorothée Berryman) pour un repas impromptu, deux soeurs (Anne-Élisabeth Bossé et Marie-Ève Trudel), dont l’une est accompagnée par son mari (Sébastien Dodge), constateront le retour de leur frère (Daniel Parent) après plusieurs années d’absence. Cette réunion est l’occasion pour Élisabeth d’annoncer à ses proches ses plans d’avenir. Selon le motif classique du déraillement du repas familial, que les spectateurs québécois connaissent déjà trop bien, frustrations refoulées, cachotteries et jalousies égratigneront peu à peu le lustre des conventions sociales pour révéler la vérité de chacun.
Les personnages des Enfants d’Adam se parlent sans s’écouter, répètent les mêmes phrases inlassablement et balancent à la fois les grandes révélations et les réflexions existentielles comme s’il s’agissait de banalités. Voilà les ressorts bien connus du théâtre de l’absurde. Ils ne fonctionnent ici cependant qu’à moitié, puisque la direction d’acteurs oscille maladroitement entre un jeu réaliste et un jeu stylisé, et que le texte explicite toujours ce qu’il devrait plutôt distiller dans chacune des répliques. Malgré l’espoir que sa prémisse convenue ne soit que le prétexte à une habile déconstruction, ce théâtre ne déplacera rien du tout et restera toujours là où on l’attend.
C’est principalement parce qu’elle échoue à définir clairement le ton de la représentation et à s’en jouer pour déployer différents niveaux de lecture théâtrale que la mise en scène de Pelletier est boiteuse. En misant tout sur la dimension comique plutôt simpliste des situations, la directrice artistique de l’Opsis omet d’exploiter les décalages qui s’opèrent dans le discours des personnages et le dérapage qui s’organise dans la dynamique familiale. Les révélations tombent à plat et se concluent par une philosophie moralisante peu intéressante. Ni les prises de parole au micro, ni les adresses au public, ni les moments de danse qui ponctuent le spectacle ne serviront à nourrir la représentation de nouvelles conventions théâtrales.
Malgré le talent des acteurs rassemblés sur le plateau, le quintette peine à prendre son envol dans cet univers unidimensionnel. Et la production ne fait rien pour améliorer les choses. Tous les signes de ce spectacle travaillent également dans la même direction: de la scénographie illustrative et sans originalité qui habille la scène à la musique qui rythmera l’enthousiasme feint des personnages et aux éclairages plats qui ne font que marquer les déplacements et les états qui se succèdent sur le plateau.