Des règles assouplies pour les demandeurs d’asile
Le délai pour déposer un dossier complet sera plus long
Devant le goulot d’étranglement causé par la vague de demandeurs d’asile arrivés cet été, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a accepté de changer ses règles pour pouvoir les accommoder, a constaté Le Devoir. Cette mesure applicable uniquement au Québec permet aux aspirants au statut de réfugié de bénéficier d’un peu plus de temps pour déposer leur dossier.
La CISR répond ainsi aux doléances du milieu de l’immigration, qui jugeait beaucoup trop court le délai de 15 jours prescrit par la loi adoptée par le gouvernement Harper en 2012 pour déposer une demande. «Tu sors à peine de l’hébergement temporaire, tu vis un stress pas possible et tu dois raconter ton histoire et rédiger ta demande en deux semaines. C’est beaucoup trop court», soutient Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI). «La difficulté, actuellement, c’est qu’il n’y a pas assez d’avocats et de consultants en immigration à Montréal pour répondre à je ne sais combien de milliers de clients. »
Désormais, entre le 8 septembre et le 31 octobre, les demandeurs d’asile ayant passé l’étape de la recevabilité n’auront qu’à remplir partiellement le formulaire FDA (fondement de la demande d’asile), soit à donner des renseignements de base comme leurs coordonnées, leur langue de communication, etc. Le récit du demandeur, qui constitue le coeur du dossier, sera sollicité «à une date ultérieure», a précisé
la CISR dans un avis de pratique révisé publié sur son site.
Richard Goldman, avocat spécialisé en immigration, se réjouit de cet assouplissement de la CISR, qui n’était pourtant pas chaude à l’idée. «C’est une réponse raisonnable, on est très content que la CISR ait pris cette décision après nous avoir écoutés. » D’autant que l’histoire du migrant est la clé de sa demande d’asile, elle ne peut pas être écrite «sur un banc de parc». « Ce serait une catastrophe», croit-il. Pour l’avocate Stéphanie Valois, il est effectivement important de prendre le temps de bien questionner le client pour vérifier son histoire et s’assurer qu’il met tout dans le texte. «Sinon, il peut être refusé là-dessus.»
Les bouchées doubles pour IRCC
En temps normal, la recevabilité d’une demande d’asile est réglée en quelques heures à la frontière et le migrant est tenu de déposer son dossier dans les 15 jours afin qu’une audience lui soit accordée dans un délai de deux mois, dit la loi. Or, ces derniers mois, devant l’afflux de demandeurs d’asile, surtout d’origine haïtienne, Immigration Canada a pris beaucoup de retard dans le traitement des cas. Des rendez-vous pour déterminer la recevabilité étaient même fixés pour mars 2018. Et devant l’impossibilité de respecter les délais de 60 jours, Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada (IRCC) envisage d’instaurer la règle du premier arrivé, premier servi en 2018.
D’ici là, elle met les bouchées doubles. Des agents sont installés au Complexe Guy-Favreau, au centre-ville de Montréal, pour statuer sur la recevabilité des demandes. Ils traiteraient environ 300 demandes par jour pour être en mesure d’écouler l’inventaire de quelque 5000 dossiers d’ici la fin septembre. Toutefois, aucun nouveau commissaire n’a encore été nommé à la CISR.