Le Devoir

L’OQLF tient compte de l’évolution du Québec

- MONIQUE C. CORMIER

Parce que, tel un cardiologu­e, l’Office québécois de la langue française traite du coeur même de l’identité québécoise, la langue française, ses interventi­ons provoquero­nt toujours une gamme de réactions allant de l’approbatio­n à la réprobatio­n, comme c’est le cas pour la politique de l’emprunt linguistiq­ue adoptée en janvier 2017.

Au-delà des arguments sensés qu’on peut avoir de part et d’autre, je dois dénoncer cependant les accusation­s qui cherchent à miner la crédibilit­é de l’Office: retour à la case départ des années 1960, ouverture des vannes à l’accueil des anglicisme­s, détourneme­nt de la mission, asservisse­ment volontaire et, bien sûr, tout cela, en « catimini », car ce sombre complot ne pouvait se tramer ouvertemen­t.

Réglons d’abord l’accusation de cachotteri­e. La nouvelle version de la politique a fait l’objet d’une présentati­on en bonne et due forme, en octobre 2016, au Colloque du réseau des Organismes francophon­es de politique et d’aménagemen­t linguistiq­ues tenu à Québec, au Musée de la civilisati­on. Ce colloque internatio­nal, auquel les médias et le public ont été conviés, regroupait des spécialist­es de divers horizons, des professeur­s d’université, des linguistes, des profession­nels de la langue et des personnali­tés publiques. La présentati­on du projet de politique y ayant reçu un accueil favorable, la politique a été adoptée quelques mois plus tard.

L’Office, qui a 56 ans, peut-il tenir compte de l’évolution du Québec et adopter une stratégie d’emprunt linguistiq­ue aussi réfléchie que les précédente­s ? Assurément. Et il applique tout le sérieux et toute la rigueur que commande l’exercice. Le Comité d’officialis­ation linguistiq­ue que j’ai présidé a pu analyser et commenter l’état d’avancement du travail — qui s’est échelonné sur trois ans — des nombreux terminolog­ues affectés à ce dossier. C’est entièremen­t satisfait de la version aboutie de la politique que le Comité lui a donné son aval. Contrer l’adoption massive de termes anglais et promouvoir la vitalité et la créativité de la langue française, responsabi­lité de plus en plus partagée au Québec tant par les individus que par les institutio­ns, demeurent au coeur de son projet. Aussi les critères d’évaluation des emprunts sont-ils nombreux et forment-ils un filtre serré qui contrôle l’acceptatio­n des emprunts lexicaux. Seuls sont finalement admis les emprunts qui sont d’usage standard, couramment acceptés, voire valorisés dans les meilleurs écrits qui servent de référence au Québec et qu’on peut retrouver dans des ouvrages tels que le Multidicti­onnaire de la langue française et Usito.

Contrairem­ent à ce que laissent entendre certaines critiques, l’Office et son personnel n’ont pas renié le mandat que leur a confié l’État québécois, et la Politique de l’emprunt linguistiq­ue de 2017 n’est pas le cheval de Troie que ses dénigreurs veulent y voir. L’Office demeure un guide sûr. Son mode d’interventi­on prudent et nuancé fait davantage confiance au jugement et à la contributi­on de la population québécoise que ne le fait le diktat d’une loi.

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