La réalité autochtone sera prise en compte
Québec fixera à 18 ans l’âge pour consommer du cannabis ; la vente en sera confiée à une organisation étatique
La ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, s’est engagée vendredi à « tenir compte de la réalité » des autochtones du Québec dans son projet de loi sur la marijuana, qui doit par ailleurs fixer l’âge de consommation de la substance à 18 ans.
Selon des sources, Québec emboîtera le pas à Ottawa, qui a établi l’âge légal pour l’achat de marijuana à 18 ans. Il sera plus permissif que l’Ontario, qui a déjà annoncé qu’il faudra avoir 19 ans pour consommer du cannabis, légalement, sur son territoire.
Le gouvernement Couillard serait à pied d’oeuvre pour finaliser les derniers détails de la loi, qu’il s’empressera de déposer dans les prochaines semaines. Québec serait pour le moment favorable à l’instauration d’un réseau de vente et de distribution public, mais chercherait encore à définir l’apport que pourrait avoir l’entreprise privée dans ce nouveau système.
Projet de loi
La forme que prendra la considération pour les autochtones dans le nouveau projet de loi doit elle aussi être clarifiée. «On va savoir au moment du dépôt du projet de loi», a dit le ministre responsable des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley, à sa sortie de la rencontre que les élus ont choisi de tenir à huis clos. «Les autochtones ont insisté pour qu’il y ait une reconnaissance de leur réalité dans le projet de loi. »
Sur place, le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, a dit sentir beaucoup d’écoute de la part du gouvernement au cours de discussions sur un projet de loi dont l’impact sur les autochtones a été « largement sous-estimé», à son avis. «À la lumière de la rencontre d’aujourd’hui, j’ai tendance à croire que oui, [on tiendra compte des autochtones dans le projet de loi] », a-t-il avancé. «Mais ultimement, on ne tient pas le crayon. »
Beaucoup d’inquiétude
Autre zone grise: l’application des lois concernant le cannabis sur les territoires autochtones, qui doit encore être définie. Ni Québec, ni Ottawa, ni les experts ou les dirigeants des communautés ne s’entendent sur la primauté d’une législation — provinciale, fédérale ou relevant des conseils de bande — sur une autre. Et dans le projet de loi déposé à Ottawa, en avril, «il n’y a aucune espèce de référence aux Premières Nations, aux Inuits, aux services qui sont déjà déficients», a déploré Ghislain Picard. Sans surprise, il a observé que les interventions des autochtones ont surtout porté sur leurs inquiétudes face à la légalisation du cannabis, dans un contexte de grande consommation et de pénurie de ressources. « La présence et la participation du côté inuit, c’est sans doute révélateur: ce sont des communautés isolées et déjà très vulnérables », a d’ailleurs souligné le chef Picard. «On normalise une situation qui nous pose problème», a-t-il dit à propos de la légalisation du cannabis. «Les gens se retrouvent un peu sur la clôture: d’un côté, ils ont tendance à baisser les bras, car c’est une loi qui nous est imposée, mais d’un autre côté, on ne peut pas rester insensible aux ravages que ça fait », a-t-il ajouté.
Le ministre Kelley a fait le même constat. Mais selon lui, l’inquiétude face à la légalisation de la marijuana ne se limite pas aux autochtones. «Je trouve ça assez généralisé. […] Je n’ai pas rencontré beaucoup de monde enthousiaste », a-t-il admis. La rencontre avec des représentants des Premières Nations et des Inuits était la dernière d’une série de consultations publiques que souhaitait mener la ministre Charlebois avant de déposer un projet de loi.