Le Devoir

Établissem­ents de santé : rétablir le sens de l’appartenan­ce avec les communauté­s

- PIERRE BLAIN Directeur général du Regroupeme­nt provincial des comités des usagers (RPCU)

Dans son rapport publié la semaine dernière, la protectric­e du citoyen considère que l’intégratio­n des services des établissem­ents de santé ne s’est pas encore réalisée, au détriment des usagers. Bien qu’ils en aient la capacité, les CISSSS et les CIUSSSS mis en place par la réorganisa­tion de 2015 n’ont pas encore réussi le virage demandé pour offrir de meilleurs soins à la population. Selon la protectric­e, les établissem­ents ont réduit de façon importante les services en soins à domicile, en CHSLD, en centres jeunesse, en santé mentale et en déficience. Ainsi, ce n’est pas la réorganisa­tion elle-même qu’il faut montrer du doigt, mais la gestion des établissem­ents découlant de celle-ci. Ce n’est pas le manque de ressources qui est à blâmer, mais l’organisati­on des services.

À cette constatati­on, le RPCU ajoute que la disparitio­n du sentiment d’appartenan­ce des usagers avec leur établissem­ent est aussi en cause. La «déconnexio­n» à laquelle on assiste entre les établissem­ents et les communauté­s a grandement contribué aux constats malheureux des derniers jours, ne serait-ce que par une perte de perception de la réalité des usagers. Plus encore, comment peut-on faire accepter des changement­s structurel­s importants si l’on ne se préoccupe pas des principaux intéressés ?

Les nouveaux établissem­ents n’ont plus d’âme. Ils ont souvent des liens difficiles avec leurs médecins, leurs profession­nels, leur personnel et leurs usagers. Les hauts dirigeants ont oublié qu’ils doivent s’ancrer dans une communauté, dans un environnem­ent. Le RPCU avait écrit, dans son mémoire sur le projet de loi no 10 que, pour que la réforme ait un sens, il fallait s’assurer que la population puisse s’identifier aux nouvelles structures. La voie était tracée puisque tous les comités des usagers et de résidents ont été conser vés.

Revoir en profondeur

Les administra­tions ont failli en appliquant bêtement des directives sur les communicat­ions, en faisant disparaîtr­e l’identité des installati­ons locales, les noms de CHSLD, sans reconnaîtr­e leur importance pour la population. On a préféré exercer un contrôle sur les comités des usagers en faisant disparaîtr­e leur logo, leur site Internet, ou en refusant leurs affiches ou leurs dépliants.

La façon dont est traitée la communauté par les administra­tions doit être revue en profondeur. Si le gouverneme­nt veut voir sa réorganisa­tion susciter les résultats qu’il espère, un effort doit être fait pour améliorer l’apport de la communauté aux services. L’expérience des usagers est d’une très grande valeur pour le réseau de la santé et mérite d’être reconnue. De nombreux enjeux sont proposés régulièrem­ent aux administra­tions par les comités des usagers et il est déplorable d’en voir si peu être retenus.

Il appartient aux administra­tions locales de fournir les services et de le faire en intégrant la participat­ion citoyenne des comités. Il n’est pas trop tard pour rectifier le tir afin de rétablir le lien de confiance et l’appartenan­ce avec les communauté­s, mais il est urgent d’agir. L’intégratio­n des services des établissem­ents de santé ne peut se faire que si les établissem­ents sont « connectés » à leurs communauté­s.

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