Washington poursuit sa charge contre Bombardier.
Après des droits compensateurs, les États-Unis veulent imposer des droits antidumping à l’avionneur québécois
Aux droits compensateurs de 220% dont seront taxés les appareils de la CSeries s’ajouteront des droits antidumping de 80%.
Une semaine après l’imposition de droits compensateurs de près de 220% sur les appareils CSeries de Bombardier, Washington revient à la charge avec des droits antidumping de 79,82% à l’issue d’une décision préliminaire qui, à nouveau, sème colère et déception dans les cercles commerciaux, politiques et syndicaux.
Comme pour la décision préliminaire publiée la semaine dernière, celle de vendredi se veut une réponse à la plainte déposée par Boeing au mois d’avril concernant la vente d’avions CSeries à Delta l’an dernier. Il s’agissait d’une commande ferme de 75 appareils — devant être livrés à compter de 2018 — estimée à plus de 5,5 milliards $US.
Boeing affirme que Bombardier a profité d’appuis financiers gouvernementaux au cours des dernières années pour vendre ses appareils à un prix très bas qui résulte, selon le fabricant américain, en une concurrence déloyale. Bombardier répond que Boeing n’a subi aucun préjudice, car il n’a aucun avion à offrir dans la gamme des 100 à 150 sièges qu’occupe la CSeries.
«Les États-Unis s’engagent à pratiquer un commerce libre, juste et réciproque avec le Canada, mais ceci ne correspond pas à notre idée d’une relation commerciale qui fonctionne adéquatement», a affirmé vendredi le secrétaire du Commerce américain, Wilbur Ross. « Nous continuerons de vérifier l’exactitude de cette décision, tout en faisant notre possible pour défendre les entreprises américaines et leurs travailleurs», a-t-il ajouté dans un communiqué.
Le département du Commerce américain rendra une décision définitive sur les droits compensateurs et les droits antidumping le 18 décembre 2017.
On cherche ni plus ni moins qu’à évincer la CSeries du marché américain, a avancé Bombardier dans un long communiqué.
«L’approche du département du Commerce pendant toute cette enquête a fait complètement abstraction des réalités de l’industrie aéronautique, a écrit le fabricant. Les propres pratiques de comptabilité de programme de Boeing — le fait que Boeing vend ses avions sous le prix coûtant pendant des années suite au lancement d’un programme — iraient à l’encontre de l’approche appliquée par le département du Commerce. Une telle hypocrisie est étonnante et devrait être extrêmement troublante pour tout importateur de produits complexes de haute technologie. »
Par ailleurs, a dit Bombardier, « la déclaration du département du Commerce selon laquelle Bombardier ne coopère pas dans le cadre de l’enquête constitue une manoeuvre pour dissimuler le fait que l’agence se concentre sur des coûts de production et des prix de vente hypothétiques pour des avions qui seront importés aux ÉtatsUnis dans un futur lointain ».
La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, s’est dite « extrêmement déçue» mais a ajouté que la décision « n’est guère surprenante». Du coup, Washington met à risque la survie de 23 000 emplois chez les fournisseurs américains de la CSeries.
Le gouvernement du Québec, de son côté, affirme que les montants versés à Bombardier sont des investissements et non des subventions. Les accusations sont sans fondement, a-t-il répété vendredi. «Boeing veut de toute évidence bloquer la concurrence, ce qui menace de causer à terme un préjudice sérieux à notre industrie aérospatiale, de même qu’à celle des États-Unis, car près de la moitié des pièces d’appareils de la CSeries sont produites par des fournisseurs américains», a dit la ministre de l’Économie, Dominique Anglade.
Alors qu’Ottawa a versé un prêt de 372,5 millions à Bombardier, Investissement Québec a pris une participation de 49,5% dans la CSeries pour 1 milliard $US. La Caisse de dépôt et placement du Québec a investi 1,5 milliard $US pour prendre 30% de Bombardier Transport. Tous affirment que ces gestes sont conformes aux règles de l’OMC.
Dés «pipés»
« Cette décision me fait dire de nouveau que les dés sont pipés dans ce dossier, a affirmé dans un communiqué le coordonnateur québécois du Syndicat des machinistes, David Chartrand. Il y a lieu de se demander si le gouvernement Trump n’utilise pas toute cette mascarade comme stratégie afin d’obtenir des concessions du Canada dans la renégociation de l’ALENA.» Une autre centrale, Unifor, demande au premier ministre Justin Trudeau de profiter de sa rencontre prochaine avec le président Donald Trump, le 10 octobre, pour aborder le sujet.
L’action de Bombardier a terminé la journée sur un gain de 0,9% à 2,21$. Son cours a beaucoup fluctué depuis un an, mais il se trouve quand même en hausse de 23% sur cette période.
«Il y a lieu de se demander si le gouvernement Trump n’utilise pas toute cette mascarade comme stratégie afin d’obtenir des concessions du Canada dans la renégociation de l’ALENA» David Chartrand, coordonnateur québécois du Syndicat des machinistes