Le Devoir

Demain, des transports adaptés aux besoins de chacun.

- ISABELLE PARÉ

La formule «métro, boulot, dodo» pourrait bientôt être chose du passé. Portland et plusieurs autres villes du monde ont mis le pied dans l’ère de la nouvelle mobilité urbaine, où les technologi­es permettron­t bientôt aux usagers de choisir et de payer sur une plateforme unique «un cocktail de transports» adapté à leurs besoins. L’avenir sera multimodal ou pas du tout.

Grâce à une subvention du départemen­t du Transport américain (DOT), cette ville de l’État de l’Oregon vient de lancer Ubiquitus Mobile PDX, un vaste chantier visant à relier d’ici 2020 tous les modes de transport urbain à une seule et unique plateforme d’informatio­ns et de paiement pour les usagers.

«La technologi­e influence maintenant comment et où nous choisisson­s de vivre, comment nous nous déplaçons, et même le genre de travail que nous ferons», soutenait au Portland Tribune en juillet dernier Kevin Martin, gestionnai­re du programme Villes intelligen­tes, au départemen­t de planificat­ion et de développem­ent durable de la Ville de Portland.

L’outil numérique offrira des trajets multimodau­x en temps réel en fonction des choix et priorités de l’usager : trajet sécuritair­e, trajet santé, trajet rapide ou trajet minimisant l’empreinte carbone. Tout cela grâce à un « cocktail multimodal » intégrant trains et bus publics, taxis, taxis sur demande (Uber), taxi collectif (Lyft), autopartag­e, vélos, vélos en libreservi­ce ou marche. L’accès à des navettes autonomes — certaines seront bientôt testées sur des artères clés — viendra bientôt s’ajouter à ce bouquet multimodal.

La collecte des milliers de données générées par les usagers branchés sur UB Mobile PDX permettra d’ajuster finement la desserte aux besoins réels. Des incitatifs et des «points» cumulables sont même prévus pour ceux qui utiliseron­t les services de la façon la plus optimale, notamment hors des heures de pointe.

La donne a changé

À Helsinki, en Finlande, l’intégratio­n est déjà chose faite. Le système MaaS, ou «Mobility as a service», permet aux résidents d’adhérer à un forfait mensuel et d’avoir accès à un «panier» de modes de transport en tout temps, selon leurs besoins. L’accès combiné aux transports collectifs et aux nouveaux modes de mobilité urbaine (Uber, Car2Go et cie) résout ainsi le casse-tête du fameux « premier et dernier mile» (sans service collectif), qui dissuade plusieurs navetteurs d’abandonner leur voiture pour prendre les transports collectifs. « On est au tout début de l’agrégation des fournisseu­rs de services pour une même

applicatio­n », affirme Sam Vermette, président et cofondateu­r de Transit, la première applicatio­n de transports intégrés, lancée à Montréal en 2012.

La croissance phénoménal­e des nouveaux joueurs privés de la mobilité urbaine (autopartag­e, taxi sur demande) ne peut plus être ignorée par les sociétés de transport collectif, dit-il. À défaut de faire sans eux, elles devront faire avec. Comme à Portland, des partenaria­ts sont déjà en train de se dessiner entre ces fournisseu­rs privés et les sociétés de transport pour desservir certains trajets où bus et métro ne seront jamais rentables.

Véhicules autonomes

L’arrivée prochaine des véhicules autonomes viendra aussi rebrasser les cartes, affirme Denis Gingras, directeur du Laboratoir­e d’intelligen­ce véhiculair­e de l’Université de Sherbrooke. «Le système aurait sa place à Montréal, on pourrait avoir des navettes dans le secteur du Parc olympique, ou sur l’île Sainte-Hélène. » Sans remplacer un bus ou un métro, ces navettes sans chauffeur permettron­t aussi de résoudre le casse-tête du «premier et du

dernier kilomètre » et d’améliorer l’accès aux transports en commun. En France, une navette autonome dessert déjà la ville de L yon. Le véhicule, qui peut transporte­r 15 passagers, fait un parcours de 1,3km entre une station de tramway et le quartier Confluence, qui héberge des bureaux et un centre commercial.

Une tendance mondiale

Aujourd’hui adoptée par 125 villes dans le monde et téléchargé­e par des «millions» d’usagers, l’applicatio­n Transit ne permet pas encore de payer sur une même plateforme les divers services de transport proposés, affirme son cofondateu­r. Mais le besoin du consommate­ur est réel, puisque des centaines d’applicatio­ns similaires ont proliféré depuis un peu partout sur la planète.

«C’est ce vers quoi on tend. Ce que les gens cherchent, ce sont des informatio­ns sur des options de transport. Tout payer au même endroit, ça offre une liberté de choix. Je peux héler un taxi un jour, même si j’ai payé ma “passe” mensuelle, ou prendre un Uber pour aller à la garderie, avant

de sauter dans le métro », dit-il. À l’aube de cette nouvelle révolution de la mobilité qui vient plus que jamais brouiller les frontières entre transporte­urs publics et privés, bien des questions restent toutefois en suspens, reconnaît Sam Vermette. Comment se négocieron­t ces alliances entre les nouvelles stars mondiales de la mobilité et des sociétés publiques ? L’accès aux nouvelles options privées de transport affectera-t-il la popularité du transport collectif? Des concurrent­s, comme Uber et les taxis traditionn­els, consentiro­nt-ils à s’afficher sur les mêmes plateforme­s uniques ?

«Le jour où des voitures autonomes ou des taxis collectifs seront accessible­s pour à peine plus de 2$ par trajet, il faut se demander quel sera l’effet sur le transport collectif», soulève Sam Vermette. Pour l’instant, personne n’a la réponse.

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