Le Devoir

En Gaspésie, un frein au développem­ent économique.

- THIERRY HAROUN à Percé

L’essor économique de la Gaspésie est freiné par des infrastruc­tures de transport, désuètes ou inadaptées, qui n’arrivent pas à répondre aux besoins des industriel­s et autres acteurs concernés par ce problème, devenu un enjeu majeur de la campagne électorale qui bat son plein dans la péninsule.

Le marché européen du homard frais, un bassin potentiel de 500 millions de consommate­urs, échappe toujours à l’industrie gaspésienn­e de la pêche aux homards. La Gaspésie ne dispose d’aucun aéroport «digne de ce nom» — pour reprendre l’expression de plusieurs politicien­s —, ce qui met un frein à l’exportatio­n du homard frais, qui doit être livré en 48 heures. Aucun des quatre aéroports de la région, dont Bonaventur­e ou Grande-Rivière, ne peut répondre aux exigences (piste trop courte, pas de desserte cargo ou de grosporteu­r, etc.) de ce marché.

Résultat, seul le homard congelé s’exporte vers le Vieux Continent et l’Asie. «Le potentiel d’exportatio­n du homard frais est d’autant plus gros maintenant avec l’accord de libre-échange Canada-Europe. Quel que soit l’endroit, ça va nous prendre un aéroport et un transporte­ur pour répondre à cette demande, c’est un dossier important pour toute la

Gaspésie», fait valoir Gino Cyr, candidat à la mairie de GrandeRivi­ère et directeur général de Gimxport, une firme qui se spécialise dans l’exportatio­n de produits à travers le monde.

La préfète sortante de la MRC du Rocher-Percé, Nadia Minassian, est du même avis. « Le problème, en fait, c’est qu’on demande à l’industrie du homard de porter ce dossier. En d’autres mots, le gouverneme­nt et d’autres disent que pour être en mesure de financer une telle infrastruc­ture, on doit démontrer son utilité», fait-elle valoir, avant d’ajouter que la baisse démographi­que en Gaspésie est le plus gros obstacle à la mise à niveau des infrastruc­tures de transport dans leur ensemble. «On nous demande de les rentabilis­er, mais on ne pourra pas. Écoutez, les dossiers de transport en Gaspésie sont très complexes à analyser: nous avons beaucoup d’infrastruc­tures à entretenir, sur un grand territoire, et peu de gens pour les utiliser. Par contre, on doit avoir un soutien gouverneme­ntal dans l’optique de l’occupation dynamique du territoire!»

«C’est une question de vitalité économique pour nos entreprise­s », renchérit le maire sortant de Bonaventur­e, Roch Audet.

Trains vétustes

À 200 km de là, le maire sortant de Gaspé, Daniel Côté, prie tous les dieux pour que le train de marchandis­es relie à nouveau Gaspé, ce qui n’est plus le cas depuis des années en raison de la désuétude du rail. « Cela freine notre élan économique sur le plan de l’éolien. Il y a en moyenne six pales par jour qui quittent l’usine de LM Windpower de Gaspé par camion. Chaque pale est accompagné­e par un convoi de cinq véhicules, dont deux de la Sûreté du Québec. Ça coûte de l’argent à la compagnie, ça joue sur sa compétitiv­ité et ça nuit à la circulatio­n routière.» Québec s’est engagé à investir 100 millions au cours des prochaines années pour la réfection du rail gaspésien qui, pour l’instant, est en fonction jusqu’à New Richmond, d’où repartent par train les pales en partance de Gaspé.

Autres défis

À Percé, Cathy Poirier, candidate à la mairie et copropriét­aire d’une entreprise de saumon fumé bien en vue, explique que lorsqu’Orléans Express a réduit substantie­llement ses ser vices en Gaspésie en 2015, elle s’est vue dans l’obligation d’investir dans une flotte de camions pour assurer la distributi­on de ses produits. « Ce n’est pas un service qui est rentable, loin de là. Mais j’ai dû trouver une solution. »

«Le dossier des infrastruc­tures de transport est la raison pour laquelle je me représente», affirme d’emblée au Devoir la mairesse sortante de Chandler, Louisette Langlois. Elle a fait du transfert de son port de mer sa priorité. Il est la propriété du fédéral, mais elle souhaite qu’il devienne la propriété de la Ville pour que celle-ci ait les coudées franches. Les négociatio­ns en ce sens sont en cours. «On a des projets pour du transborde­ment industriel. On veut développer, alors mieux vaut être propriétai­re. » Enfin, en Haute-Gaspésie, pas moins de 4 millions de dollars sont à investir pour mettre à niveau l’aéroport de SainteAnne-des-Monts. Le préfet sortant de la MRC HauteGaspé­sie, Allen Cormier, en fait une priorité. «C’est une infrastruc­ture qui sert entre autres à l’évacuation d’urgence des patients par avionambul­ance », rappelle au bout du fil l’ancien journalist­e.

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THIERRY HAROUN Les trains de marchandis­es ne relient plus Gaspé, à cause de la désuétude du chemin de fer.

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