Le Devoir

Le Nobel de la paix à l’ICAN pour conjurer la menace nucléaire

- PIERRE-HENRY DESHAYES à Oslo

Le prix Nobel de la paix a récompensé vendredi la Campagne internatio­nale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), qui voit dans la présidence de Donald Trump une preuve de la dangerosit­é de l’arme atomique.

Le comité Nobel norvégien a choisi de mettre la lutte contre ces armes de destructio­n massive à l’honneur au moment où le président américain menace de remettre en cause l’accord sur le nucléaire iranien et échange des propos belliqueux avec Kim Jong-un sur le programme nucléaire nord-coréen.

« L’élection du président Donald Trump a mis beaucoup de gens très mal à l’aise, à l’idée qu’il peut, à lui seul, autoriser l’utilisatio­n des armes nucléaires», a fait valoir la directrice de l’ICAN, Beatrice Fihn, déplorant que le nouvel occupant de la Maison-Blanche «n’écoute pas» toujours les experts.

Soixante-douze ans après Hiroshima et Nagasaki, l’ICAN, coalition regroupant des centaines d’ONG, s’est vu attribuer la prestigieu­se récompense pour avoir contribué à l’adoption cette année d’un traité historique d’interdicti­on de l’arme atomique.

«Nous vivons dans un monde où le risque que les armes nucléaires soient utilisées est plus élevé qu’il ne l’a été depuis longtemps», a souligné la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, qui s’est inquiétée du risque de proliférat­ion «comme le montre la Corée du Nord».

Traité adopté à l’ONU

Le 7 juillet à l’ONU, 122 pays ont adopté un traité qui pose pour la première fois le principe de l’interdicti­on de mettre au point, de stocker ou de menacer d’utiliser l’arme atomique.

Sa portée reste essentiell­ement symbolique, car les puissances nucléaires ont toutes refusé d’y adhérer, de même que les pays de l’OTAN.

«Ce traité ne rendra pas le monde plus pacifique, n’aboutira pas à la destructio­n de la moindre arme nucléaire et ne renforcera la sécurité d’aucun État », a déclaré vendredi à l’AFP un porte-parole du départemen­t d’État, soulignant que les ÉtatsUnis ne le signeront pas.

Le Nobel de la paix est «un encouragem­ent» aux pays non signataire­s pour qu’ils oeuvrent aussi à débarrasse­r la planète des armes nucléaires, a souligné Mme Reiss-Andersen.

L’Alliance atlantique «partage cet objectif avec l’ICAN »,a réagi son secrétaire général, Jens Stoltenber­g, mais «regrette que les conditions pour aboutir à un désarmemen­t nucléaire ne soient aujourd’hui pas favorables ». Le Kremlin a dit «respecter» le choix du comité Nobel.

Programme iranien

Donald Trump doit certifier avant le 15 octobre auprès du Congrès que Téhéran respecte ses engagement­s pris dans le cadre de l’accord de 2015 qui impose de strictes restrictio­ns au programme nucléaire iranien en échange d’une levée des sanctions.

Selon des responsabl­es américains interrogés par l’AFP, il doit annoncer « dans les prochains jours » son refus de le certifier, ouvrant la voie à une réintroduc­tion de sanctions, ce qui pourrait faire dérailler l’accord.

«Nous ne taclons personne avec ce prix », a répondu Mme Reiss-Andersen, à la question de savoir si le Nobel visait le président Trump. Le 4 octobre, Mme Fihn avait été moins diplomate lorsqu’elle avait tweeté: «Donald Trump est un débile». Un message qu’elle dit aujourd’hui regretter.

«C’est un moment de grandes tensions dans le monde, quand les déclaratio­ns enflammées pourraient tous nous conduire très facilement, inexorable­ment, vers une horreur sans nom», at-elle déclaré vendredi.

Les diplomates s’inquiètent des répercussi­ons négatives d’une volte-face américaine sur le dossier iranien alors que la communauté internatio­nale espère encore faire revenir la Corée du Nord à la table des négociatio­ns pour lui faire renoncer à ses propres ambitions nucléaires.

Nous vivons dans un monde où le risque que les armes nucléaires soient utilisées est plus élevé qu’il ne l’a été depuis longtemps Berit Reiss-Andersen, présidente du comité Nobel norvégien

 ?? BRITTA PEDERSEN ASSOCIATED PRESS ?? Déguisés avec des masques de Donald Trump et de Kim Jong-un, des militants de l’ICAN ont manifesté contre le conflit entre les États-Unis et la Corée du Nord, en septembre dernier, devant l’ambassade américaine à Berlin.
BRITTA PEDERSEN ASSOCIATED PRESS Déguisés avec des masques de Donald Trump et de Kim Jong-un, des militants de l’ICAN ont manifesté contre le conflit entre les États-Unis et la Corée du Nord, en septembre dernier, devant l’ambassade américaine à Berlin.

Newspapers in French

Newspapers from Canada