Le Devoir

Les ouragans ont soufflé sur les créations d’emplois en septembre

- VIRGINIE MONTET à Washington

L’économie des États-Unis a détruit des emplois en septembre à cause de la dévastatio­n apportée par les ouragans, mettant un coup d’arrêt à sept années de croissance continue du marché du travail.

Selon les chiffres du ministère du Travail publiés vendredi, qui ont pris les analystes par surprise, l’économie a détruit 33 000 emplois, reflétant l’impact des ouragans Harvey au Texas et Irma en Floride respective­ment fin août et début septembre. Les économiste­s s’attendaien­t certes à ce que les nouvelles embauches ralentisse­nt, mais ils prévoyaien­t qu’elles restent dans le vert, à 75 000 contre 169 000 en août.

«J’étais sous le choc» en découvrant ces chiffres, a reconnu auprès de l’AFP l’économiste indépendan­t Joel Naroff. «Mais il était impossible de prédire l’impact provisoire» des tempêtes sur le marché de l’emploi, a-t-il ajouté. Les statistiqu­es n’incluent pas Porto Rico, qui est un territoire américain, lui aussi dévasté par le passage d’un ouragan, Maria, mi-septembre.

Ces mauvais chiffres, ressentis surtout dans l’industrie de la restaurati­on et des loisirs, n’ont pas empêché le taux de chômage de reculer à son plus bas niveau depuis 16 ans, à 4,2 % (-0,2 point). «Une forte dégradatio­n de l’emploi dans le secteur de la restaurati­on et une faible croissance des embauches dans les autres industries reflètent probableme­nt l’impact des ouragans Irma et Harvey »,a commenté le ministère du Travail. «Les gens ont cessé de manger dehors car ils étaient piégés dans leurs maisons et les restaurant­s n’ont pas pu ouvrir», étant privés d’électricit­é, a commenté M. Naroff. À elle seule, l’industrie de la restaurati­on a perdu 105 000 emplois.

L’impact des ouragans n’a pas affecté de la même manière le taux de chômage, qui fait l’objet d’une enquête séparée. Quelque 1,5 million de personnes n’ont pas pu travailler à cause de ces catastroph­es climatique­s, mais elles ont continué à être recensées comme ayant un emploi, a expliqué un statistici­en. En 20 ans, depuis le début de la collecte de ce type de statistiqu­es, c’est la première fois qu’un événement météo affecte à ce point le marché du travail aux États-Unis.

Le taux de chômage a poursuivi son recul pour toucher, à 4,2%, un plancher qui n’avait pas été atteint depuis février 2001, rapprochan­t encore davantage l’économie américaine du plein-emploi. Il était à 4,9% il y a un an. Le nombre de chômeurs est tombé à 6,8 millions. Pour autant, ceux qui travaillen­t involontai­rement à temps partiel restent toujours très nombreux, 5,1 millions.

Les acteurs financiers accueillai­ent en général ce rapport avec circonspec­tion. «N’y attachez pas trop d’importance… Les empreintes des ouragans sont par- tout dessus», a résumé Chris Low, de FTN Financial. Joel Naroff, lui, pense que, sans les tempêtes, l’économie aurait créé entre 125 000 et 140 000 emplois le mois dernier. Il s’attend, comme les autres analystes, à un vif rebond technique des embauches en octobre.

La présidente de la Réserve fédérale (Fed), Janet Yellen, avait elle-même prévenu lors de sa dernière conférence de presse que, si l’activité allait subir à court terme les effets négatifs des ouragans, ceux-ci ne devraient pas peser sur l’économie à moyen terme. Selon Paul Ashworth de Capital Economics, « la Fed et les marchés vont ignorer ce rapport. Si on s’en tient à l’expérience passée, notamment avec Katrina, l’emploi va rebondir fortement dans les prochains mois ».

Même le chiffre sur l’évolution des salaires, scruté de près par la banque centrale américaine qui guette un frémisseme­nt de l’inflation, semble suspect. La rémunérati­on horaire moyenne a grimpé de 0,5% sur le mois, au-dessus des 0,3 % prévus par les analystes, ce qui porte l’augmentati­on annuelle à 2,9%. Mais, comme le relève M. Naroff, cela peut s’expliquer par le fait que la restaurati­on, un secteur à salaires modiques, a détruit beaucoup d’emplois. Avec moins de paies faibles dans les statistiqu­es, la rémunérati­on moyenne remonte.

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MARK WILSON AGENCE FRANCE-PRESSE Des travailleu­rs ont barricadé un restaurant à Miami, en prévision de l’ouragan Irma, au début septembre. Les pertes d’emplois se sont beaucoup fait ressentir dans l’industrie de la restaurati­on.

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