Les fonds d’investissement bousculés par la pression sur les frais
Les fonds communs d’investissement sont poussés vers le changement à cause de la pression sur les frais. L’influence américaine, s’appuyant sur un marché dix fois plus gros, se fait sentir.
L’Institut canadien des fonds d’investissement (IFIC) publiait cette semaine les résultats de l’étude de Strategic Insight faisant ressortir une diminution plus accélérée des frais des fonds communs de placement au Canada au cours des dernières années. Cette étude approfondie avait été publiée pour la première fois en 2012. Elle a bénéficié d’une mise à jour en 2015. Elle est revisitée dans sa version 2017. Le coût des fonds à gestion active pour les investisseurs qui bénéficient de conseils — 80% de l’actif sous gestion de l’industrie entre dans cette catégorie — s’est replié de six points de base de 2014 à la fin de 2016. Pour ces investisseurs, le coût total atteint les 2,14%, contre 1,95% aux États-Unis. Une fois enlevé l’effet de taxation non présent aux États-Unis, la moyenne canadienne se compare, à 1,96 %.
Il reste que ces coûts, venant amputer le rendement, demeurent plutôt sensibles. Et que le calcul se limite aux comptes bénéficiant de conseils. « Les coûts baissent considérablement (surtout aux États-Unis) lorsque les fonds sont achetés sans conseil ou directement auprès du manufacturier », souligne l’étude, le bas de la fourchette étant de 1,6% pour ces fonds gérés activement.
Le poids, encore marginal mais grandissant, des Fonds négociés en Bourse et la gestion passive et indicielle se nourrissant de la progression continue des marchés mènent une concurrence bien ressentie. La taille des manufacturiers de fonds américains aussi, avec un marché dix fois plus gros au sud de la frontière et la présence d’au moins trois gros joueurs affichant chacun un actif sous gestion supérieur aux 1320 milliards de dollars composant l’univers des fonds communs canadiens. Lorsque les économies d’échelle deviennent le nerf de la guerre…
Commission et honoraires
Parmi les changements que ces forces induisent, on observe qu’«au cours des deux dernières décennies, la rémunération des représentants dans les deux pays est passée d’une formule basée sur les commissions prélevées au moment de l’achat à une formule basée sur l’actif pour toute la durée du placement; s’y greffaient d’autres frais de placement où la rémunération était payée séparément », souligne l’IFIC.
Impact sur les commissions
Mais sur un horizon plus court, Strategic Insight constate que 80 % de l’industrie des fonds d’investissement au Canada épousent encore la formule des frais intégrés, ce qui inclut les commissions de suivi. Aux États-Unis, l’approche dominante est celle des frais dégroupés, les comptes à honoraires attirant 80% des ventes brutes de fonds au sein des canaux faisant appel aux conseils (hors régime de pension). Au sud de la frontière, la formule «payer pour le conseil» est davantage incarnée. On peut mieux cerner la portée de la consultation menée ici sur la pertinence des commissions intégrées.
Ainsi, les fonds sans frais à l’entrée et ceux de la Série F — qui impliquent que le conseiller ne reçoit pas de commission du distributeur mais plutôt un honoraire à l’acte versé par son client — ont connu une croissance rapide. « Au cumul en 2015 et 2016, 96% des entrées nettes ont été dirigées vers des fonds ne versant pas de commission de vente au conseiller », lit-on dans l’étude.
Effet pernicieux
Toute cette mouvance dans une industrie accaparant 32 % du patrimoine financier des Canadiens, 27% de celui des Américains, n’est pas sans produire un effet pernicieux. Pour baisser leurs prix, les manufacturiers ont déniché des moyens de couper dans leurs frais de gestion, dans les commissions de suivi et dans les dépenses administratives. Ces interventions étant poussées à leur limite, plusieurs parmi les plus gros fournisseurs jouent depuis peu la carte des comptes Privilège, saupoudrant escompte et rabais selon la taille du portefeuille, la barre des 100 000$ d’actif servant très souvent de plancher. Toujours selon les chiffres de Strategic Insight, au Canada les frais passaient de 2,07 % à 1,7 % avant l’incidence fiscale, selon que l’actif du compte est de 100 000 $ ou moins, ou de 1 million et plus.
Les petits comptes sont donc moins bien servis, et ce, davantage aux États-Unis, où l’on pousse plus à fond sur l’externalisation des coûts. Là-bas, un compte disposant d’un actif de 100 000 $ ou moins est soumis à des frais pouvant atteindre 2,3 % et plus, contre aussi bas que 1,2 % pour un actif de 1,5 million et plus.