Le Devoir

Ces tories qui ne veulent plus conserver Theresa May

Un groupe d’une trentaine de députés s’est formé pour réclamer le départ de la première ministre britanniqu­e

- SONIA DELESALLES­TOLPER Correspond­ante à Londres

La première ministre britanniqu­e est désormais ouvertemen­t défiée par une trentaine de députés conservate­urs qui réclament son départ.

«L’ heure tourne. » Ironique, le quotidien londonien Evening Standard a paraphrasé vendredi une phrase utilisée il y a quelques semaines par Michel Barnier, le négociateu­r de la Commission européenne pour le Brexit. Le journal ne parlait pas de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, mais de Theresa May. Pour le quotidien, dirigé par George Osborne, ancien ministre des Finances de David Cameron et très peu fan de la première ministre britanniqu­e, la question qui domine aujourd’hui n’est plus « si, mais quand» elle quittera le 10 Downing Street.

Un canular, une interminab­le quinte de toux et un décor qui s’effondre, le tout en l’espace d’une heure à peine, ne suffisent pas à expliquer pourquoi une démission prochaine de Theresa May est soudain ouvertemen­t évoquée. Mais cet enchaîneme­nt d’incidents, alors qu’elle essayait de prononcer le discours de clôture d’un congrès conservate­ur très morose et divisé, en a décidé certains. Les rumeurs d’une tentative de renverseme­nt courent depuis le lendemain des élections anticipées ratées du mois de juin, au cours desquelles les conservate­urs ont perdu leur majorité au Parlement. C’est donc désormais officiel: des députés veulent la déloger.

Grant Shapps, ancien ministre et président du parti, l’a ouvertemen­t confirmé vendredi dans une série d’interviews. « Je ne pense pas que nous puissions continuer ainsi», a-t-il déclaré en affirmant qu’une trentaine de députés, dont cinq anciens ministres, soutenaien­t sa démarche.

Avec grâce ?

«Le pays a besoin de leadership. Il en a besoin en ce moment en particulie­r. Je pense que le congrès et les semaines qui ont précédé ont démontré que ce n’était pas le cas », a-t-il assené.

Deux solutions existent pour remplacer la dirigeante du Parti conservate­ur et donc la première ministre. Cette dernière pourrait démissionn­er «avec grâce», ce que Grant Shapps a appelé de ses voeux. Sinon, les voix de 15% des députés tories au Parlement sont nécessaire­s. Dans le contexte actuel, cela signifie 48 signatures (sur 317 députés conservate­urs). Une lettre serait alors envoyée à Graham Brady, le président du Comité 1922, qui représente les députés non ministres. Cette démarche entraînera­it le dépôt d’une motion de défiance contre Theresa May.

On n’en est pas là. Plusieurs membres du cabinet ont vigoureuse­ment défendu la première ministre et le viceprésid­ent du Comité 1922 luimême, Charles Walker, a balayé les velléités de Grant Shapps: « Grant a beaucoup de talents, mais ce qu’il n’a pas est le soutien du parti.»

Aucun candidat évident pour la remplacer

Theresa May elle-même est repartie à l’offensive, lors de sa première apparition publique depuis son discours catastroph­e de mercredi. « Ce dont le parti a besoin, c’est d’un leadership posé, et c’est ce que j’apporte avec le soutien complet de mon cabinet », a-t-elle déclaré. Elle sait, comme son cabinet d’ailleurs, qu’il n’existe aucun candidat évident pour la remplacer. Si son ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, est un favori au sein de la base du parti, il ne bénéficie pas d’un soutien suffisant parmi les députés. Or, le système de vote pour un nouveau leader se déroule en deux temps. Les députés votent d’abord jusqu’à ce qu’ils disposent d’une liste resserrée de deux candidats. Ensuite seulement les membres du parti votent pour désigner leur chef.

Même si Theresa May réussit à contrer les attaques, l’impression qui se dégage de ces derniers jours, y compris à l’étranger, n’est pas très positive alors que le pays est engagé dans un processus crucial pour son avenir. Le prochain round des négociatio­ns sur le Brexit s’ouvre la semaine prochaine à Bruxelles et un conseil européen, qui devrait juger de l’avancée des négociatio­ns, est prévu le 20 octobre.

 ?? PAUL ELLIS AGENCE FRANCE-PRESSE ?? La première ministre britanniqu­e Theresa May a dû vanter vendredi son «leadership calme» et assurer une fois de plus que son gouverneme­nt la soutenait, en réponse à un groupe de 30 députés de son parti souhaitant sa démission.
PAUL ELLIS AGENCE FRANCE-PRESSE La première ministre britanniqu­e Theresa May a dû vanter vendredi son «leadership calme» et assurer une fois de plus que son gouverneme­nt la soutenait, en réponse à un groupe de 30 députés de son parti souhaitant sa démission.

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