Le Devoir

L’illustrate­ur québécois est décédé à 58 ans

- STÉPHANE BAILLARGEO­N

L’illustrate­ur québécois Francis Back est décédé jeudi matin dans un hôpital de Montréal. Il avait 58 ans.

Créateur au trait fin et assuré, spécialist­e des reconstitu­tions en images de sujets historique­s, il a mis son talent au service de projets multiples: illustrati­on de livres, mais aussi pour les musées, les parcs nationaux, la télévision et le cinéma, ici comme ailleurs dans le monde. Il enseignait souvent son art en Asie.

« Des illustrate­urs historique­s de sa trempe, il n’y en avait pas beaucoup dans le monde, dit David Ledoyen, spécialist­e de la diffusion du patrimoine qui a connu Francis Back. Il était capable de fouiller des archives, d’y tirer des informatio­ns fiables et de les transcrire dans des images dynamiques, agréables à voir. »

Né en 1959 à Montréal, Francis Back était le fils de feu Frédéric Back (19242013), lui-même mégavedett­e de l’illustrati­on et de l’animation, au travail consacré par deux Oscar.

Back fils démontre un talent précoce pour le dessin, que son célèbre père va encourager. Sa formation se fera ici auprès de sa famille («tout le monde autour de moi avait un pinceau à la main », dira-t-il en entrevue), mais aussi à l’École des Beaux-Arts de Bâle en Suisse. Il s’y astreint à une discipline «quasi monastique» et commence ses premières escapades vers les dépôts d’archives, où il retranscri­t patiemment des pages entières de manuscrits, explique-t-il dans une entrevue parue dans la revue Cap-aux-Diamants en 2013.

À la longue, le dessinateu­r hors pair va faire de l’illustrati­on historique une de ses grandes spécialité­s. Explorateu­r des archives, grand lecteur des chroniques et des travaux d’historiens, obsédé des détails, il va devenir la référence en matière d’illustrati­on des petits et grands moments de la vie en Nouvelle-France, des cultures amérindien­nes, de l’histoire maritime et de la transforma­tion des costumes.

« Mes illustrati­ons sont de véritables armes d’instructio­n massive », déclarait-il dans une entrevue au Progrès de Lyon à l’occasion d’une présentati­on de ses dessins sur les Iroquoiens du Saint-Laurent dans le cadre d’une exposition muséale. «Elles dépassent la simple illustrati­on et s’appuient sur un véritable travail de recherche. Faire revivre notre passé, c’est mettre en image le patrimoine. »

David Ledoyen rappelle qu’il a produit plusieurs vues aériennes de Montréal à différente­s époques en documentan­t chacun des édifices dessinés pour connaître sa taille, ses matériaux, son emplacemen­t exact, etc. «Ila corrigé plusieurs mythes des clichés, ajoute-t-il, par exemple autour de l’image des coureurs des bois léguée par les illustrati­ons américaine­s. Il a aussi donné à voir les gens ordinaires d’autrefois dont il n’existe aucune image ou presque. »

Scénarimag­e

Aucun sujet concernant le passé de son coin du monde ne lui était étranger. Francis Back a aussi bien illustré le livre Les coureurs des bois. La saga des Indiens blancs de George-Hébert Germain (Libre Expression, 2003) que des livres sur la piraterie et l’esclavage, ou des capsules historique­s parues dans Le Soleil pour célébrer les 400 ans de Québec.

Il a dessiné des timbres aussi. Par contre, le connaisseu­r avait refusé de participer à une exposition du Musée canadien de la guerre pour ne pas se soumettre à l’interpréta­tion distordue par les conservate­urs de la guerre de 1812.

Son talent était aussi très recherché par le milieu de la pub, de la télévision et du cinéma pour préparer des storyboard­s. Le scénarimag­e permet d’illustrer le film à venir à raison d’un dessin par plan, un peu à la manière d’une bande dessinée préalable au tournage. Il a enseigné cet art à Taïwan pendant des années.

Francis Back a planché sur les réalisatio­ns de François Girard (Cargo), Richard Attenborou­gh (Grey Owl), sur des films historico-fantaisist­es (The Mummy) comme sur des drames réalistes (Piché, entre ciel et terre). Il était aussi aux dessins pour Incendie de Denis Villeneuve.

Les funéraille­s de Francis Back auront lieu le 22 octobre à la Maison Memoria du boulevard Saint-Laurent à Montréal.

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR Lire aussi › Le compte rendu de Sylvain Cormier du Show en stéréoscop­ie 3D du trio Dear Criminals, sur les plateforme­s numériques du Devoir.
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Francis Back

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