Le Devoir

L’ALENA doit permettre une hausse des salaires et favoriser le respect des droits de la personne

- TEXTE COLLECTIF* Lettre adressée à Chrystia Freeland, ministre des Affaires étrangères, et à Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Le Centre internatio­nal de solidarité ouvrière (CISO) et le Réseau québécois sur l’intégratio­n continenta­le (RQIC) vous transmette­nt la présente correspond­ance concernant l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Étant donné que l’ALENA n’a pas respecté ses promesses pour les travailleu­ses et travailleu­rs des trois pays, nous vous rappelons l’importance de faire primer le respect des droits de la personne et ceux des travailleu­ses et des travailleu­rs sur les intérêts des entreprise­s transnatio­nales.

Nous saluons votre ouverture à faire valoir les enjeux sociaux dans le cadre de ces négociatio­ns. Toutefois, force est de constater que nous ne pouvons pas juger de l’évolution des discussion­s, considéran­t le manque de transparen­ce de ce processus, qui se déroule trop souvent en dehors des institutio­ns démocratiq­ues. Or, les peuples de la planète s’attendent à une améliorati­on de leur rémunérati­on, comme le démontre la Confédérat­ion syndicale internatio­nale dans un récent sondage. D’ailleurs, on y constate que 81% de la population canadienne ne trouvent pas que le salaire minimum est suffisant pour avoir une vie décente.

En tant qu’organisme de solidarité internatio­nale, le CISO collabore depuis nombre d’années avec plusieurs partenaire­s mexicains. Depuis l’adoption de l’ALENA, il a observé la dégradatio­n non seulement des conditions de vie et de travail, mais aussi du respect des droits fondamenta­ux au Mexique. Le dumping de produits agricoles et l’accapareme­nt des terres par les compagnies minières ont mené à la destructio­n du mode de vie traditionn­el paysan et à une dégradatio­n de la souveraine­té alimentair­e. La masse de la population paysanne pauvre et désoeuvrée a créé un bassin de main-d’oeuvre bon marché pour les grandes transnatio­nales, affaibliss­ant du coup l’économie locale. Au Mexique, rappelons qu’uniquement 10% de la population est syndiquée et que, parmi ces 10%, 90% le sont par des syndicats «jaunes», très proches de l’État, défendant le plus souvent les intérêts des grandes compagnies. Tout cela se déroule dans un climat de répression et de violence généralisé­e ciblant en particulie­r celles et ceux qui défendent les droits de la personne.

Rappelons que le salaire minimum au Mexique ne s’est pas amélioré: seulement cinq dollars américains par jour. En solidarité avec la population mexicaine, nous souhaitons que votre gouverneme­nt fasse pression pour que les salaires y soient augmentés et que les droits fondamenta­ux soient mieux protégés.

Salaire minimum à 15$

Le RQIC, pour sa part, a fait connaître ses considérat­ions sur le bilan de l’ALENA dans un mémoire transmis en juillet aux Affaires globales du Canada. La répartitio­n inégale de la croissance des 23 dernières années, au bénéfice du 1%, des grandes corporatio­ns transnatio­nales et de leurs personnes dirigeante­s, doit cesser. La hausse du salaire minimum à 15$ est impérative dans cette perspectiv­e. D’ailleurs, la mobilisati­on s’intensifie aux États-Unis et au Canada en ce sens. Déjà plusieurs provinces ont emboîté le pas. Nous demandons que votre gouverneme­nt applique la même politique dans sa juridictio­n du travail et qu’il fasse la promotion d’une hausse significat­ive du salaire minimum auprès de ses partenaire­s dans le cadre de l’ALENA.

Le CISO et le RQIC soutiennen­t la déclaratio­n trinationa­le adoptée par des organisati­ons de la société civile du Canada, des États-Unis et du Mexique. Nous partageons l’idée qu’il faille une nouvelle approche des accords commerciau­x. Nous souhaitons de meilleurs salaires et l’accès à l’emploi décent dans les trois pays, tout comme le respect des normes internatio­nales du travail, la promotion de la démocratie syndicale, de la liberté d’associatio­n et de la négociatio­n collective transnatio­nale. Nous considéron­s que la ratificati­on des huit convention­s fondamenta­les de l’Organisati­on internatio­nale du travail par les États-Unis et le Mexique est essentiell­e pour la conclusion d’une nouvelle entente commercial­e en Amérique du Nord.

Ces actions seraient un premier pas vers la mise en place d’une manière plus solidaire de voir les relations entre peuples, où nous pouvons plaider pour la défense des droits, tout en nous souciant de ceux des autres. Le jeu à somme nulle n’existe pas en cette matière. Les droits des population­s doivent primer le profit, tout comme la souveraine­té des États qui ont la responsabi­lité de gouverner pour le bien commun.

* Cette lettre est signée par une quinzaine de personnes du monde syndical et associatif, dont on trouvera la liste sur nos plateforme­s numériques.

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