Le Devoir

Le président Trump durcit le ton dans le dossier des Dreamers

La Maison-Blanche pose ses conditions en vue d’une protection de ces jeunes sans-papiers

- JÉRÔME CARTILLIER à Washington

Donald Trump change de nouveau de posture : son gouverneme­nt a présenté une liste de « principes » sur l’immigratio­n qui éloigne la perspectiv­e — un temps évoquée — d’un compromis avec les démocrates sur le sort des Dreamers, ces jeunes clandestin­s qui bénéficien­t d’un statut temporaire désormais menacé.

Dans un document adressé dimanche soir au Congrès, l’exécutif américain pose — pour la plus grande joie de l’aile droite du parti républicai­n — ses conditions pour une réforme de l’immigratio­n: financemen­t du mur à la frontière avec le Mexique, accélérati­on des procédures de renvoi des mineurs arrivant à la frontière.

Le gouverneme­nt veut aussi augmenter de manière significat­ive les effectifs chargés de l’applicatio­n des textes avec l’embauche de 10 000 personnes supplément­aires au sein de l’ICE (Immigratio­n and Customs Enforcemen­t).

L’exécutif propose par ailleurs une réforme du système des permis de résident permanent qui serait désormais basé sur un système de points. Il préconise aussi la suppressio­n de la loterie par laquelle, depuis 1994, 50 000 de ces précieuses cartes sont attribuées chaque année de manière aléatoire parmi des millions de postulants.

«Une réforme de l’immigratio­n doit créer plus d’emplois, des salaires plus élevés et plus de sécurité pour les Américains», écrit Donald Trump dans un courrier adressé au Congrès, pour souligner pourquoi les priorités qu’il présente sont « nécessaire­s ».

Or, le calendrier est serré: les élus doivent se pencher dans les mois à venir sur le sort des sans-papiers couverts par le programme DACA, créé par Barack Obama, qui a permis de donner des papiers temporaire­s à des clandestin­s arrivés avant l’âge de 16 ans.

Donald Trump l’a supprimé, avec cependant six mois de sursis, renvoyant de fait la balle dans le camp du Congrès. Environ 690 000 jeunes Dreamers disposent actuelleme­nt de ce permis.

Compromis critiqués

Mi-septembre, le président américain avait pris tout le monde à contre-pied en évoquant les contours d’un accord avec les démocrates sur ce thème.

Cette annonce avait décontenan­cé sa base mais avait aussi été vue comme un « coup politique » et une preuve de la capacité de ce président arrivé au pouvoir sans expérience politique à faire bouger les lignes à Washington.

À l’issue d’un dîner à la Maison-Blanche avec «Chuck et Nancy » (Chuck Schumer et Nancy Pelosi, les chefs des minorités démocrates de la Chambre des représenta­nts et du Sénat), un compromis avait été évoqué. En échange de la régularisa­tion des Dreamers, les démocrates, qui disposent d’une minorité de blocage au Sénat, acceptaien­t de voter des crédits pour pourvoir en technologi­es (drones, détecteurs…) et en moyens la protection de la frontière avec le Mexique.

«Je suis certaine que le président est sincère», avait lancé Nancy Pelosi peu après cette annonce surprenant­e.

Trois semaines plus tard, le ton a radicaleme­nt changé.

Dans un communiqué au ton sec, Nancy Pelosi et Chuck Schumer ont vivement rejeté les propositio­ns de l’exécutif.

«Ce gouverneme­nt ne peut être sérieux lorsqu’il parle de compromis […] s’il lance le débat avec une liste qui est anathème pour les Dreamers, pour la communauté des migrants et pour la grande majorité des Américains », indiquent les deux dirigeants démocrates. «Cette liste va beaucoup plus loin que ce qui est raisonnabl­e», ajoutentil­s, soulignant que la liste inclut le mur «qui avait été explicitem­ent écarté des négociatio­ns».

À l’issue de la réunion dans un salon de la résidence présidenti­elle, les démocrates avaient en effet assuré que Donald Trump avait temporaire­ment capitulé sur le mur frontalier — une promesse qui fut au coeur de sa campagne —, reportant à « plus tard » la bataille pour le vote des crédits pour sa constructi­on.

Ces « principes et priorités » énoncés par le gouverneme­nt Trump doivent certes être vus comme le point de départ d’une longue négociatio­n au Congrès.

Mais cette annonce ne contribuer­a pas à préparer le terrain à un texte de compromis auquel sont suspendus des centaines de milliers de Dreamers qui sont, dans de très nombreux cas, complèteme­nt intégrés dans la société américaine.

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DAVID MCNEW / GETTY IMAGES / AGENCE FRANCE-PRESSE Des milliers d’immigrants et de partisans du programme DACA manifestai­ent leur appui aux Dreamers dans les rues de Los Angeles, en Californie, le 10 septembre dernier.

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