Le Devoir

Ankara exhorte Washington à annuler la suspension des visas

Ces tensions s’inscrivent dans un contexte plus large de brouille entre la Turquie et les pays occidentau­x

- GOKAN GUNES à Istanbul

La Turquie a exhorté lundi les États-Unis à annuler leur décision de suspendre la délivrance des visas, une mesure prise sur fond de vives tensions après l’inculpatio­n d’un employé du consulat américain à Istanbul.

Mais la convocatio­n adressée lundi par la justice turque à un autre employé du consulat américain risque au contraire d’envenimer les rapports entre ces deux pays alliés au sein de l’OTAN qui vivent l’une de leurs pires crises depuis un demi-siècle. Après l’inculpatio­n pour « espionnage » mercredi d’un employé turc du consulat américain à Istanbul, Washington a suspendu dimanche les activités de la to- talité des services de délivrance des visas de ses missions en Turquie, hors visas d’immigratio­n.

Les autorités de la Turquie ont pris une mesure similaire, mais ont dans le même temps demandé aux Américains de revenir sur leur décision, estimant qu’elle ouvrait la voie à une «escalade inutile», tandis que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’en disait « peiné ».

Cette guerre des visas survient après des mois de dissension­s croissante­s entre Ankara et Washington, liées notamment à des désaccords sur la Syrie, l’arrestatio­n d’un pasteur américain et plusieurs affaires judiciaire­s impliquant des responsabl­es turcs aux États-Unis.

Les tensions avec les ÉtatsUnis s’inscrivent dans un contexte plus large de brouille entre la Turquie et les pays occidentau­x, notamment l’Allemagne, depuis la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, suivie de dizaines de milliers d’arrestatio­ns.

Crise «historique»

Parallèlem­ent, les relations entre la Turquie et la Russie se sont spectacula­irement réchauffée­s et ces deux pays, qui ont récemment conclu un important contrat d’armement, coopèrent étroitemen­t sur le dossier syrien.

Il s’agit «sans aucun doute

d’un plus bas historique dans les

relations» entre la Turquie et les États-Unis, a déclaré à l’AFP Soner Cagaptay, un chercheur du Washington Institute of Near East Policy.

Selon lui, la précédente crise d’une ampleur comparable remonte à celle déclenchée en 1974 par l’invasion par l’armée turque de la partie nord de Chypre.

Sont concernés par la suspension américaine les visas délivrés à ceux qui se rendent aux États-Unis pour le tourisme, des traitement­s médicaux, les affaires, un travail temporaire ou des études.

L’étincelle a été cette fois l’inculpatio­n pour «espionnage», mercredi dernier, d’un employé turc du consulat américain accusé d’être lié au prédicateu­r Fethullah Gülen, qui s’est exilé aux États-Unis et qu’Ankara accuse d’être le cerveau du putsch manqué.

Sans explicitem­ent mentionner cette affaire, l’ambassade des États-Unis, qui a annoncé la suspension de la délivrance des visas, a déclaré que le gouverneme­nt américain était forcé de réévaluer

«l’engagement» de la Turquie à l’égard de la sécurité des services et du personnel des missions diplomatiq­ues.

Des mois de dispute

Pour aggraver les choses, le procureur général d’Istanbul a annoncé lundi la convocatio­n d’un autre employé du consulat américain, dont l’épouse et le fils ont été placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête sur l’organisati­on de M. Gülen. D’après le quotidien Hürriyet, l’employé en question s’est réfugié au consulat américain à Istanbul.

Cette crise inédite survient après des mois de disputes sur plusieurs fronts, à commencer par la Syrie, où la Turquie reproche aux Etats-Unis d’appuyer des milices kurdes qu’elle considère comme des «terroriste­s».

Autre sujet de discorde, l’extraditio­n du prédicateu­r Gülen réclamée, sans succès, par Ankara depuis la tentative de coup d’Etat.

Il s’agit «sans aucun doute d’un plus bas historique dans les relations» entre les deux pays

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