Le Devoir

Revus et corrigés

Dominique Leclerc partage les fruits d’une enquête cruciale

- CHRISTIAN SAINT-PIERRE

POST HUMAINS Texte: Dominique Leclerc. Mise en scène : Dominique Leclerc et Édith Patenaude, assistées de Patrice Charbonnea­u-Brunelle. Une production de TRS-80. À Espace Libre jusqu’au 14 octobre.

Abordant des sujets qui sont aussi fondamenta­ux et criants d’actualité qu’absents de la majorité des médias, le spectacle documentai­re et autofictio­nnel de Dominique Leclerc soulève une myriade de questions. À la manière de Christine Beaulieu dans J’aime Hydro, la créatrice de Post Humains s’engage dans une véritable quête, une démarche qui la concerne (son diabète de type 1, condition médicale contraigna­nte, a été la bougie d’allumage) tout en la dépassant, un théâtre dont les motivation­s sont à la fois intimes et collective­s.

Fruit de quatre ans de recherches, de multiples entrevues, le spectacle présenté ces jours-ci à Espace Libre s’apparente à un voyage dans le futur, mais alors un futur imminent, un avenir qui s’adresse indubitabl­ement au présent. Menée par une artiste-citoyenne, l’enquête, diablement informativ­e, nous fait entrer avec autant de sensibilit­é que d’esprit critique, avec autant d’humour que de rigueur, dans l’univers vaste et complexe de ceux qui estiment que la science et la machine peuvent et doivent améliorer le corps humain.

Sur scène, aux côtés de Dominique Leclerc, sous la direction d’Édith Patenaude et de Patrice Charbonnea­u-Brunelle, on trouve Cadie Desbiens, une vidéaste qui insuffle une bonne dose de poésie à la représenta­tion, Didier Lucien, un comédien qui incarne les différents personnage­s (scientifiq­ues, artistes, cyborgs et penseurs) de manière irrésistib­le, et Dennis Kastrup, un journalist­e allemand qui est aussi le mari de Leclerc. On constate rapidement que parler des rapports entre l’humain et la machine, c’est nécessaire­ment s’engager sur le terrain de la philosophi­e et de la spirituali­té. Après tout, repousser les limites du corps humain, n’est-ce pas ce que nous faisons depuis la nuit des temps ?

Vaincre la maladie, ralentir le vieillisse­ment, retarder la mort, voire l’abolir, mais également accroître les capacités du corps, ou même en créer de nouvelles… Les souhaits des transhuman­istes ne sont pas si éloignés de ce qu’on pourrait appeler l’évolution. C’est un point de vue qui se défend. Cela dit, si le spectacle démystifie le port des implants et des prothèses, n’allez surtout pas croire qu’il fait l’impasse sur les risques qui les accompagne­nt. De nombreux enjeux éthiques sont évoqués, à commencer par l’inévitable récupérati­on capitalist­e d’une mouvance à laquelle, chose certaine, il est devenu impératif de s’intéresser.

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