Le Devoir

Netflix se défend d’avoir obtenu un quelconque avantage fiscal du gouverneme­nt fédéral

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Au coeur d’une controvers­e depuis le dévoilemen­t des orientatio­ns de la politique culturelle du Canada, Netflix a défendu pour la première fois lundi son investisse­ment au pays. La compagnie dément notamment avoir négocié quelque privilège fiscal que ce soit.

Dans un communiqué mis en ligne lundi, le géant américain écrit que l’annonce d’une entente bilatérale avec le gouverneme­nt canadien a suscité «beaucoup d’excitation, de questions, et même quelques théories conspirati­onnistes» que la compagnie n’avait pas voulu commenter auparavant.

Désirant «rectifier les faits», Netflix soutient ne pas avoir «négocié d’entente concernant les taxes dans le cadre du lancement » de Netflix Canada.

Si le gouverneme­nt canadien voulait que la TPS s’applique sur les abonnement­s Netflix (ou encore Québec avec la TVQ), il n’y aurait pas de problème, laisse entendre Corie Wright, directrice de la politique publique mondiale. « Netflix suit les lois fiscales partout où elle est. » Mais selon les lois canadienne­s en vigueur, «les services en ligne étrangers comme Netflix n’ont pas à percevoir et à remettre la taxe de vente », ajoute-t-elle.

La semaine dernière, le gouverneme­nt Couillard a demandé à voir l’entente signée par Netflix et Ottawa — qui prévoit que Netflix Canada va investir 500 millions de dollars en cinq ans dans des production­s locales. «Nous, on veut imposer la TVQ, mais on doit d’abord avoir l’heure juste du gouverneme­nt fédéral», avait dit le ministre Carlos Leitão, sous-entendant que l’entente signée pourrait contrecarr­er ses plans.

Tant la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, que Netflix disent publiqueme­nt que rien n’empêche Québec d’aller de l’avant. Mais le bureau du ministre de la Culture, Luc Fortin, a confirmé au Devoir mardi que la demande officielle de voir l’entente est restée lettre morte à ce jour, et que Québec veut voir l’entente avant d’agir.

Autre point qui a chatouillé Netflix: l’impression que la compagnie a droit à un passedroit par rapport aux compagnies canadienne­s qui offrent les mêmes services. « Nous n’avons pas eu de traitement de faveur, soutient Corie Wright. Netflix est un service en ligne, pas un radiodiffu­seur. Aucun service en ligne, local ou étranger, n’est soumis aux règles qui touchent les radiodiffu­seurs traditionn­els, comme les quotas de contenu. Et ils n’ont pas non plus accès aux avantages dont profitent ces médias traditionn­els », dit-elle.

Les câblodistr­ibuteurs canadiens (comme Vidéotron) doivent notamment verser une redevance de 5% au Fonds des médias du Canada, qui finance des production­s locales. Mais il est vrai que les plateforme­s de diffusion — comme Illico, qui appartient à Vidéotron —, ne sont pas assujettie­s à cette exigence. Contrairem­ent à Netflix, elles paient toutefois l’impôt des entreprise­s au pays.

«Le Conseil de la radiodiffu­sion et des télécommun­ications du Canada [CRTC] a décidé en 1999 que ces règles [de redevances] ne s’appliquera­ient pas aux services Internet. Nous croyons que c’est la bonne approche», dit Mme Wright en rappelant que Netflix fait la promotion de la neutralité de l’Internet.

Dans la foulée, elle reconnaît que Netflix Canada n’aura pas à investir à un moment donné dans la production francophon­e. Mais la compagnie a la volonté de le faire, promet-elle.

«Nous avons encore du travail à faire en ce qui concerne notre capacité de trouver de bonnes histoires provenant du Québec et racontées en français », reconnaît Mme Wright. D’où l’investisse­ment de 25 millions pour développer le marché francophon­e. Netflix l’utilisera pour tenir des journées où des producteur­s et créateurs pourront présenter leur projet, de même que pour tenir des événements culturels locaux.

La coalition inquiète

«On est toujours inquiets»,a réagi mardi Gabriel Pelletier, président de l’Associatio­n des réalisateu­rs et réalisatri­ces du Québec, qui s’exprimait au nom de la vaste Coalition pour la culture et les médias. «On est contents que Netflix dise clairement qu’elle se conforme aux lois dans tous les pays, parce qu’on recherche toujours l’équité fiscale. On va solliciter une rencontre avec le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, pour lui passer le message.»

Le gouverneme­nt Trudeau a rejeté la possibilit­é que la TPS s’applique sur les abonnement­s Netflix, faisant valoir que cela augmentera­it le fardeau fiscal de la classe moyenne.

M. Pelletier dénonce autrement que Netflix « ne veut aucune exigence, pas de quota, ni linguistiq­ue ni de contenu. C’est une position forte, alors que le débat [qui passera notamment par la révision du mandat du CRTC et des lois sur la radiodiffu­sion et les télécommun­ications] n’est pas commencé. »

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