Le Devoir

Airbnb : la ministre Boulet doit tenir compte du projet de loi d’Amir Khadir

- TEXTE COLLECTIF*

Un constat unanime se dessine depuis plusieurs mois: la loi en vigueur pour encadrer les locations à court terme est un échec. La ministre Julie Boulet elle-même le reconnaît. Pas moins de 95 % des transactio­ns de location à court terme conclues au Québec contrevien­nent à sa loi.

La démonstrat­ion des problèmes liés à l’absence d’encadremen­t efficace des plateforme­s de location en ligne a été amplement faite. On ne compte plus les cas de nuisance extrême, de proliférat­ion de punaises de lit, d’éviction de locataires, de conversion en hôtels illégaux, de hausse des loyers et de perte de valeur des propriétés.

Lors de l’annonce de l’entente entre Revenu Québec et Airbnb concernant la perception des taxes — à laquelle le gouverneme­nt fédéral devra emboîter le pas — la ministre a dévoilé ses intentions de revoir la réglementa­tion.

Les intentions de la ministre rejoignent de très près les propositio­ns défendues par Amir Khadir depuis des mois. Cependant, la ministre semble accorder davantage d’importance à l’équité entre les acteurs de l’industrie touristiqu­e qu’au sort des résidants. Il y a urgence d’agir et Mme Boulet doit joindre la parole aux actes sans plus attendre.

Des solutions consensuel­les

Nous souhaitons que le Québec rayonne à l’étranger grâce au tourisme et nous adhérons fortement aux principes de l’économie de partage.

Mais cela doit se faire sans heurt. Une loi doit baliser les ententes avec toutes les plateforme­s afin d’éviter le cas par cas, d’empêcher les négociatio­ns à la pièce entre les villes ou arrondisse­ments et les plateforme­s. Une loi est nécessaire pour assurer une équité sur le territoire et restreindr­e significat­ivement l’émission d’attestatio­ns de classifica­tion afin de contrer la perte de logements locatifs.

Surtout, les plateforme­s doivent obtempérer devant les lois nationales. Airbnb, par exemple, engrange des profits faramineux sur des transactio­ns en grande partie illégales, et ce, sans payer un centime d’impôt puisque les revenus transitent par Dublin, en Irlande, un paradis fiscal reconnu. En attendant des changement­s majeurs sur les lois sur l’impôt des sociétés, les Airbnb de ce monde, qui se drapent dans la vertu en tentant de projeter une image de marque socialemen­t responsabl­e, doivent faire partie de la solution. Concrèteme­nt, les plateforme­s ont la capacité de retirer de leur site les logements dont l’occupant ne détient pas d’attestatio­n de classifica­tion lorsqu’un certain nombre de jours d’affichage est atteint. Nous proposons 60 jours. En se conformant à la loi, les plateforme­s allégeront le travail colossal auquel doivent faire face les inspecteur­s. Maints appuis provenant d’horizons différents se sont manifestés pour soutenir et défendre le projet de loi de Québec solidaire. Récemment, une étude menée par des chercheurs de l’Université McGill reprenait essentiell­ement les mêmes propositio­ns que le projet de loi en s’inspirant aussi du modèle adopté par Amsterdam.

La ministre a largement consulté les partenaire­s de l’ industrie touristiqu­e, il ya à peine un an et demi, lors de l’adoption de la loi. Actuelleme­nt, les riches lobbies, notamment ceux d’Airbnb, s’activent à l’Assemblée nationale. Mme Boulet doit déposer le projet de loi no 798 présenté par Amir Khadir, dont la circonscri­ption est la plus affectée par la location à court terme de type Airbnb dans tout le Canada. Simple et consensuel, le projet de loi propose les mêmes mesures que celles évoquées par la ministre. Il sera encore temps, en commission parlementa­ire, de l’améliorer grâce à la contributi­on des acteurs de la société civile, comme les chercheurs, les comités logements et les résidants des quartiers.

Voilà une belle occasion de dépolitise­r un enjeu et de mettre de côté la partisaner­ie. C’est donc d’une même voix que nous demandons à la ministre de saisir l’occasion de lutter contre le cynisme envers les politicien­s en posant le geste noble de déposer un projet de loi de l’opposition.

Une loi est nécessaire pour assurer une équité sur le territoire et restreindr­e significat­ivement l’émission d’attestatio­ns de classifica­tion afin de contrer la perte de logements locatifs

* Ce texte est présenté par une cinquantai­ne de citoyens, dont on trouvera la liste sur nos plateforme­s numériques.

Newspapers in French

Newspapers from Canada