Le Devoir

Financer l’accès à des stages ou à des formations d’appoint, un outil pour mieux intégrer les immigrants

- GYSLAINE DESROSIERS Présidente du Conseil interprofe­ssionnel du Québec (CIQ), qui réunit les 46 ordres au Québec

Le premier ministre Philippe Couillard et six de ses ministres convient les ordres profession­nels à une « grande rencontre » le 12 octobre pour faciliter la concertati­on entre tous les ministères et les ordres afin d’améliorer le parcours des profession­nels immigrants et ultimement faciliter leur intégratio­n aux profession­s réglementé­es. Cette initiative doit être saluée et nous espérons qu’elle aboutira à des actions concrètes réclamées par le Conseil interprofe­ssionnel du Québec (CIQ).

Le Québec se situe parmi les régions les plus accueillan­tes du monde : le taux d’immigratio­n y est d’environ 6/1000. Cela est plus élevé qu’en France (2/1000) ou aux ÉtatsUnis (3/1000). Ce taux crée énormément de pression sur les mesures d’intégratio­n. Les profession­s réglementé­es comptent pour 10 % de l’emploi au Québec. Sur les 50 000 immigrants que reçoit le Québec par année, environ 5000 demandent à être admis dans un des 46 ordres profession­nels.

Dans les faits, dix ordres totalisent 84% des demandes. Plus de 11 000 immigrants ont obtenu un titre profession­nel au cours des quatre dernières années, et moins de 500 demandes par an sont refusées par les ordres.

Stages et formations d’appoint: le coeur du défi

Il faut savoir qu’environ 1500 demandeurs obtiennent une équivalenc­e partielle, qui requiert un stage ou un complément de formation. C’est là le coeur du défi, car les stages sont sous la responsabi­lité des employeurs privés ou publics, qui n’ont pas les ressources ou qui ne voient pas l’intérêt d’engendrer des dépenses pour des stagiaires, surtout s’ils n’ont pas de pénurie d’effectifs. Le CIQ demande en urgence un programme de financemen­t de l’accès aux stages et aux complément­s de formation dont l’offre est limitée dans les cégeps et université­s. Une autre embûche est la crise de finances personnell­es touchant ces demandeurs profession­nels durant la période d’analyse du dossier, de stage ou de formation d’appoint. Le programme ACEM (Associatio­n communauta­ire d’emprunt de Montréal) requiert une nouvelle capitalisa­tion et l’aide de Québec à cet effet.

Rappelons que c’est le gouverneme­nt québécois qui fixe le diplôme requis pour être admis à une profession. De plus, en vertu du Code des profession­s, sur recommanda­tion des ordres, il adopte les règlements d’équivalenc­e de diplôme et de formation de chacun d’eux. Ces règlements d’équivalenc­e s’appliquent aux profession­nels immigrants qui font une demande de permis d’exercice. À la suite d’une ententecad­re entre les gouverneme­nts français et québécois, la plupart des ordres ont signé un accord de reconnaiss­ance mutuelle avec leur visà-vis de la France, ce qui permet une admission accélérée des Français. L’analyse de l’équivalenc­e repose sur la comparaiso­n avec les personnes qui étudient au Québec. Il n’y a aucune improvisat­ion: l’équité envers les diplômés québécois et la protection du public guident cet exercice complexe d’équivalenc­e. Par ailleurs, les ordres ont révisé leurs processus et plusieurs approches innovantes ont été soutenues par le ministère de l’Immigratio­n, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI). D’autres projets se déploient pour réduire les délais de traitement des dossiers.

Urgence d’agir

Environ 1000 personnes par an se découragen­t et abandonnen­t leur ambition d’obtenir un titre profession­nel. Beaucoup d’espoirs déçus! Le gouverneme­nt devra remédier à la situation et cibler le financemen­t des stages et des formations d’appoint comme une priorité immédiate. Le Québec est fier de ses profession­nels de réputation mondiale. On ne peut abaisser les normes d’admission aux profession­s, mais on pourrait grandement faciliter leur atteinte pour les nouveaux arrivants. Il y a urgence d’agir pour ces milliers de personnes qui ont été invitées à contribuer à la vie du Québec.

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