Le Devoir

Macron appelle Merkel à le rejoindre pour « refonder » l’Europe

- JÉRÔME RIVET à Francfort

Emmanuel Macron a plaidé mardi à Francfort pour que les dirigeants européens, Angela Merkel en tête, s’engagent vraiment dans une profonde refonte de l’Europe dans les deux prochaines années, malgré les incertitud­es politiques en Allemagne.

Le président français a également profité de l’inaugurati­on de la Foire du livre de Francfort pour insister sur le rôle primordial que doit jouer la culture dans cette « refondatio­n » européenne.

«Il n’y a pas d’Europe sans culture», a-t-il lancé, et c’est «l’imaginaire positif européen dont nous avons besoin» pour combattre «la langueur» du continent.

Cette plongée dans le monde des écrivains a permis à Mme Merkel et à M. Macron de s’extraire quelques heures de leurs agendas nationaux chargés: la difficile formation d’une coalition gouverneme­ntale pour la chancelièr­e, les lourds dossiers sociaux pour le président.

L’occasion leur a été offerte par le choix de faire cette année de la France l’invitée d’honneur de la plus grande foire mondiale de l’édition, qui rassemble 7150 exposants de 106 pays jusqu’à dimanche.

Mais avant de retrouver la chancelièr­e, le président français a repris son thème fétiche lors d’un débat dans une université de Francfort: la relance de l’Europe. Il a une nouvelle fois plaidé pour un budget de zone euro, projet qui inquiète l’Allemagne car elle craint par-dessus tout une mutualisat­ion des dettes.

Lignes rouges

«Si on est prêt à mettre en commun notre sécurité, notre numérique, notre énergie, notre politique migratoire, notre lutte contre le terrorisme, alors il faut m’expliquer qui est prêt à faire tout ça mais à dire: “Moi, le budget de la zone euro, je n’en veux pas”», a lâché M. Macron.

Pour lui, il y a urgence et les dirigeants européens doivent véritablem­ent s’engager dans la refonte de l’UE et proposer un plan concret en ce sens pour les élections européenne­s de 2019. «Je crois qu’il faut entrer dans le débat. On a un an pour le clarifier et avoir une feuille de route commune. C’est ce que je veux venir faire en Allemagne à plusieurs reprises, ce que j’invite la chancelièr­e à faire en France ainsi que tous les dirigeants qui le souhaitero­nt», a-t-il dit.

De son côté, Mme Merkel a une nouvelle fois souligné dans un entretien accordé à la presse régionale allemande qu’elle était ouverte aux idées

du président français, mais qu’il existait des lignes rouges. «Je veux qu’à l’avenir aussi l’utilisatio­n de moyens européens soit examinée [selon les principes] du contrôle et de la responsabi­lité. Avec moi, il n’y aura pas de mutualisat­ion des dettes nationales », a-t-elle dit.

Mme Merkel se montre très prudente sur ce dossier, car après une victoire étriquée aux législativ­es de septembre, elle doit constituer une majorité avec les libéraux, considérés comme très réticents aux propositio­ns françaises, et des verts, beaucoup plus proeuropée­ns. Des discussion­s exploratoi­res doivent débuter la semaine prochaine.

Après cet échange à distance, les deux dirigeants se

sont retrouvés pendant une demi-heure pour préparer le sommet européen des 19 et 20 octobre à Bruxelles, où ils présentero­nt «des contributi­ons communes » sur de nombreux sujets, comme la défense ou le numérique, selon l’Élysée.

Devenir polyglotte

En début de soirée, les deux dirigeants se sont montrés plus lyriques. Mme Merkel a ainsi loué la beauté de la langue française, que «malheureus­ement » elle ne parle pas. Mais «c’est un plaisir d’écouter » « l’élégance et la beauté » de cette langue, a-t-elle déclaré.

Plus enflammé, M. Macron a loué «le tête-à-tête d’une richesse inouïe» que partagent ces deux pays voisins qui continuent à

« interroger le monde ».

«La culture est la bonne approche pour renforcer le projet européen, c’est plus facile que de commencer avec l’économie », a renchéri le directeur de la foire, Juergen Boos.

Insistant sur le succès du programme d’échanges Erasmus, M. Macron a réitéré son souhait de voir la moitié des jeunes Français de moins de 25 ans passer six mois dans un autre pays d’Europe. « C’est possible et nous le ferons», a-t-il lancé. Il s’est également félicité du retour des classes bilangues et a souhaité que les jeunes sachent parler deux langues étrangères, « voire trois ou quatre ».

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