Jouer à l’élastique musical
L’artiste belge Stéphanie Laforce invite à explorer les sons du quotidien
Il y a une semaine, Stéphanie Laforce était au Centre d’art contemporain du Luxembourg belge, un lieu «implanté dans une région excentrée [non] desservi[e] par les transports en commun » du sud de la Wallonie. Dimanche, elle s’est retrouvée dans un bâtiment médiéval de la province de Namur, le Château de Corroy — «le château fort le mieux conservé de Belgique», selon Wikipédia. La voilà maintenant… à Montréal.
Stéphanie Laforce ne fait pas de tourisme. Elle est artiste — belge, vous l’aurez deviné —, formée dans les arts plastiques, puis versée dans les arts numériques et la musique électroacoustique. « Je touche à tout», dit celle qui fabrique des cabanes, des boîtes de son ou des harpes éoliennes, instruments vieux comme le monde.
« Je suis aussi musicothérapeute, mais ce n’est peut-être pas si important», commente la femme, plus attachante que prétentieuse, invitée à performer ce jeudi au festival Phénomena. Elle sera dans le petit local du centre Perte de signal, sur l’avenue de Gaspé à Montréal, avec une installation sonore, faite essentiellement d’élastiques.
Si Stéphanie Laforce est passée en une semaine du « coeur de la forêt gaumaise», dans un site classé Patrimoine majeur de Wallonie (Montauban), au très urbain Mile End, après un détour au Moyen Âge, c’est que son art, sans ancrage défini, se marie à bien des contextes.
«Jetourneencontinu», reconnaît celle qui est également mère, et accepte tout ce qui lui tombe dessus. Et quand dans la Fédération Wallonie-Bruxelles la saison des «cultures numériques» bat son plein, elle bosse sans arrêt pendant un mois.
Musique élastique
Invitée à Phénomena par le biais du programme Col[labo]rations Québec-Belgique, Stéphanie Laforce est arrivée bien chargée. Une boîte en bois, suffisamment lourde pour qu’elle soit soulevée par deux personnes, enferme le cerveau informatique.
Dans un autre sac, des poulies et des cordes — ou des élastiques. Un vrai attirail de sportif. Ou de spéléologue, suggère l’artiste. Il ne manque que les poids pour maintenir l’installation. Des sacs de sable, qu’on lui a trouvés dans une entreprise tout près de Perte de signal, feront l’affaire.
L’idée de sa performance est toute simple, dit Stéphanie Laforce: faire de la musique avec des élastiques. « De ceux qu’on utilise sur les vélos», précise l’artiste belge, quelques heures après avoir atterri à Montréal. Sa musique élastique, ou ses «élastiques musicaux», comme elle les désigne, sont au coeur de la performance-installation Ce qui nous lie.
«Le but, dit-elle au sujet de l’oeuvre, c’est de parler de ce qui nous attache. C’est une métaphore des rapports humains.» Elle considère que nous sommes reliés comme des élastiques, dans d’incessants mouvements qui tantôt nous rapprochent, tantôt nous éloignent.
Stéphanie Laforce performera devant public, avant d’inviter les gens à manipuler les élastiques. Elle est convaincue que les enfants s’y plairont, bien que Ce qui nous lie : élastiques musicaux n’ait pas été conçu pour un jeune public.
«Les enfants sont des esprits plus libres», croit cependant l’artiste.
Physique et bruitiste
Artiste sonore et plasticienne, Stéphanie Laforce a oeuvré dans de multiples secteurs, y compris dans le milieu circassien. C’est une acrobate qui, la première, a manipulé ses objets musicaux — des tissus.
La performance physique, que ce soit elle ou non qui l’exécute, lui est primordiale. «Je tire sur les cordes, je me lance dans elles. Je joue de cet instrument physiquement, vraiment. J’ai envie de faire comprendre, avec mon corps, ce qui nous lie», soutient-elle.
C’est une chorégraphie de Pina Bausch, qu’elle a vue dans le film de Wim Wenders (Pina, 2011), qui lui a soufflé l’idée d’une performance «attachée». Autrement, c’est une parole de John Cage qui l’accompagne dans sa fascination pour les musiques, sons et bruits.
«J’espère que ça ne fera pas prétentieux de citer John Cage», s’excuse Stéphanie Laforce, avant de convoquer le célèbre compositeur : «Quand un bruit vous ennuie, écoutez-le.»
Elle, elle ne cesse d’écouter son quotidien d’une façon musicale et confie avoir déjà enregistré « des glouglous de radiateur, des souffleries, des grincements de portes».
«Le but, c’est de parler de ce qui nous attache. C’est une métaphore des rapports humains. Stéphanie Laforce